NOUS AVONS VU SA GLOIRE (Lc 9, 28-36; II P 1, 10-19; Mt 17, 1-9)
La Parole s’est faite chair et elle a dressé sa tente parmi nous
et nous avons vu sa gloire, une gloire comme celle du Fils unique issu(e) du Père (Jn 1, 14).
Ce témoignage solennel du Prologue de l’Évangile de Jean, nous le faisons nôtre en cette fête de la Transfiguration de Jésus sur la Montagne de Galilée. Cet événement extraordinaire de la vie de Jésus a marqué la communauté chrétienne primitive. Il est relaté par les trois Synoptiques, et chez Marc il constitue exactement le milieu de son Évangile. Son écho dans le Nouveau Testament perdure jusqu’au début du second siècle (125) dans la seconde Épître de saint Pierre, récit que nous avons entendu en cette Liturgie.
La Transfiguration fait pendant au Baptême de Jésus dans le Jourdain, comme nous le montrent les fresques dans le chœur de droite de notre église. De part et d’autre, les cieux s’ouvrirent et une voix se fit entendre: Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j’ai ma complaisance. Mais lors de la Transfiguration la voix ajoute: Écoutez-le! Il y a là un pas de plus.
Cet événement comporte quelque chose de surprenant: il manifeste un Christ glorifié avant sa glorification et annonce déjà sa venue dans la Parousie. Jésus, en effet, ne sera glorifié que dans la Croix et la Résurrection. De la même manière agit Jésus à la dernière Cène, quand il donne à l’avance, sous les signes du pain et du vin, son corps immolé et son sang répandu sur la Croix et ressuscité jusqu’à ce qu’il vienne. Tant il est vrai que les événements du salut dans le temps ont une dimension au-delà du temps.
Ils ont vu ta gloire, Seigneur, sur la montagne, les deux témoins de ta gloire, Moïse et Élie. Mais qu’ont-ils donc vu et entendu? Un “Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en miséricorde et fidélité”, dit la voix à Moïse sur le Sinaï (Ex 34, 8). Un “murmure d’une brise légère, le bruissement d’un silence tenu” a perçu Élie sur l’Horeb (III Rois, 19, 12). Qu’ont-ils donc vu et entendu sur la montagne les disciples Pierre, Jacques et Jean? Un Jésus resplendissant de lumière, un ciel ouvert, “une lampe qui brille dans la nuit” (II Pierre 1, 19); une voix qui dit: Écoutez-le!
Écoutez-le! Suivez-le! Dans l’évangile le récit de la Transfiguration fait suite à l’injonction de Jésus de le suivre, de “se charger de sa croix et d’aller à sa suite. Car le Fils de l’homme, dit Jésus, va venir dans la gloire de son Père avec ses anges” Mt 16, 27). Dans la mesure où nous écoutons et suivons Jésus et que nous mettons en pratique sa parole, nous entrons dans son intimité et lui nous introduira dans celle qu’il partage avec son Père. C’est cela, être transfiguré et couvert de son ombre lumineuse. Luc, dans son Évangile, note que Jésus avec ses trois disciples était monté sur la montagne pour prier, comme il le faisait souvent la nuit. C’est dans la prière qu’il a été transfiguré. La prière est l’instant privilégié de l’intimité avec Dieu. Luc avait déjà noté lors du baptême de Jésus que pendant qu’il priait, le ciel s’ouvrit (3, 21). C’est dans la prière que pour nous aussi le ciel s’ouvre et que nous entendons sur nous la parole du Père: “Toi aussi, tu es mon fils, ma fille bien-aimés!”. Intimité qui rejaillit sur notre vie, la transfigure et l’illumine. Et, comme le dit saint Pierre: L’astre du matin se lèvera dans nos cœurs. Alors * nous vivrons tout le jour dans la joie et la louange (Ps 89, 14).
Amen.