En cette année jubilaire 2025 placée sous le signe de l’espérance, qu’il soit
permis de penser que c’est en pèlerins d’espérance que Jésus et ses disciples
sont montés à Jérusalem. Nous avons toute raison de le croire. Pour Jésus, c’est
bientôt l’accomplissement de sa mission et l’abandon total, si douloureux soit-il,
à la volonté de Dieu son Père. Pour les disciples, il y a bien des raisons
d’espérer.
L’évangéliste Luc précise que les foules acclament Jésus et le suivent parce
qu’elles ont vu des miracles (Lc 19, 37), et sans doute espèrent-elles en voir
d’autres. Peut-être, certains espèrent-ils même en être bénéficiaires ? On peut
aussi supposer que les foules tout autant que les disciples les plus proches
espèrent un rétablissement de la royauté davidique en Israël. Cette méprise
revient à plusieurs reprises dans l’évangile de Luc, et l’introduction du terme
« roi » dans le verset du Psaume 117 (Ps 117, 26) - « Béni soit celui qui vient, le
Roi, au nom du Seigneur », - que les foules scandent, semble le confirmer.
Certains exégètes voient dans le récit que Luc fait de l’entrée de Jésus à
Jérusalem des réminiscences du sacre du roi Salomon (1 R 1, 33). Si c’est bien
le cas, rappelons-nous que l’investiture de Salomon se déroule dans un contexte
politique particulièrement tendu. N’en est-il pas de même de l’entrée de Jésus à
Jérusalem ? La ferveur que Jésus rencontre auprès des foules est loin de plaire à
tout le monde, d’où la demande que lui adressent des pharisiens : « Maître,
réprimande tes disciples » (Lc 19, 39). S’ils craignent d’indisposer l’occupant
romain, ils redoutent tout autant la menace que cet enthousiasme représente pour
leur autorité et leur interprétation de la loi. Voilà Jésus qui se révèle bien être le
signe de contradiction annoncé par le vieillard Syméon au tout début de
l’évangile de Luc : « Il sera un signe de contradiction […] ainsi seront dévoilées
les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » (Lc 2, 34-35).
La réponse que fait Jésus – « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40)
– laisse perplexe plus d’un commentateur. Mais y a-t-il lieu de s’étonner
d’entendre crier les pierres quand saint Paul écrit que la création tout entière
gémit en travail d’enfantement (Rm 8, 22), et que déjà le psalmiste chantait :
« Joie au ciel ! exulte la terre ! Que gronde la mer, et sa plénitude ! Que jubile la
campagne, et tout son fruit, que tous les arbres des forêts crient de joie, à la face
du Seigneur, car il vient, car il vient pour juger la terre » (Ps 95, 11-13). Et une
fois entré à Jérusalem, Jésus dira, comme le rapporte l’évangéliste Jean : « C’est
maintenant le jugement de ce monde, maintenant le Prince de ce monde va être
jeté dehors ; et moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tout à moi » (Jn 12, 31-
32). La libération annoncée par Jésus, tout comme l’établissement du règne de
Dieu, est d’une ampleur que l’on a encore peine à imaginer. Elle plonge dans les
profondeurs abyssales du cœur de l’homme et s’étend à tout le cosmos. C’est par
le Mont des Oliviers que Jésus entre à Jérusalem. Ce n’est pas sans faire penser
qu’au jour du jugement, comme l’annonce le prophète Zacharie (Za 14, 4-5), le
Seigneur posera les pieds sur le Mont des Oliviers qui se fendra par le milieu.
Au moment de la mort de Jésus en croix, les éléments se déchaînent et les
rochers se fendent (Mt 27, 51). Autant dire que les pierres crient !
C’est unis à toute la création en attente que nous aussi, pèlerins d’espérance,
nous emboîtons le pas à Jésus et entrons avec lui à Jérusalem, conscients que
« notre salut est objet d’espérance » (Rm 8, 24) et que « les souffrances du
temps présent ne sont pas à comparer à la gloire qui doit se révéler en nous »
(Rm 8, 18). Oui vraiment : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du
Seigneur » !