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25e dimanche après Pentecôte

(Eph 4, 1-6 * Lc 10, 25-37)

QUI EST MON PROCHAIN?

Dès que nous nous posons la question du sens de notre vie et que nous voulons lui donner vraiment un sens, avoir une vie en plénitude ou, comme dit l’Écriture: avoir la vie éternelle, surgit la question de Dieu et du prochain. Si Dieu existe, que signifie-il pour moi? Quelle est ma relation avec lui et avec mes contemporains? Posons-nous, des fois, ce genre de questions? Essayons de les poser aujourd’hui, comme le docteur de la Loi de l’évangile que nous avons entendu. Jésus nous y invite et il nous met sur la piste de la réponse, ou plutôt il nous fait donner celle-ci par nous-mêmes. Il nous dit: “Entrez en vous-mêmes, réfléchissez un instant, vous connaissez la réponse”.
Celle-ci est: Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force (Dt 6, 4-5) et Tu aimeras ton prochain comme toi-même (Lv 19, 18). C’est le Shema Israël que tout juif pieux récite chaque matin et qui est inscrit au petit rouleau fixé à sa porte qu’il touche chaque fois qu’il entre et sort de chez lui. C’est le message central de toute l’Écriture, également pour tout chrétien. Jésus précise (Mt 2, 38-40; Mc 12, 28-31). Si le Shema Israël est le premier commandement, l’amour du prochain est le second et est semblable au premier. Il n’y a pas de commandement plus grand que ces deux-là (Mc). À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les Prophètes (Mt). C’est la réponse à notre question sur le sens de la vie de l’homme: Fais cela et tu vivras, dit Jésus au légiste et à nous. Vivre en chrétien, c’est cela. Il n’y a rien d’autre.
Mais quelle exigence! Car l’accent est mis sur l’absolu et la plénitude de l’engagement total de l’être chrétien: de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force, autant dans l’amour du prochain que de Dieu.
Vous me direz: “C’est impossible!” Et bien, non! Jésus nous donne la clé dans la parabole du “bon samaritain”. À mesure que nous prenons au sérieux cette parabole dans le concret, le quotidien, quelque chose de cet amour total et sans limite de Dieu se réalise dans notre cœur, et il ne cesse d’augmenter sans limite éternellement.
Ah, le bon samaritain! Il est tellement réel et vivant à nos yeux que nous oublions qu’il s’agit d’une parabole. D’ailleurs on a reconstruit le caravansérail sur la route qui descend vers la Mer morte, “l’auberge du bon samaritain”, et les bédouins vous y proposent aujourd’hui un petit tour à dos de chameau. Mais du temps de Jésus cette parabole était une vrai provocation pour le bon juif, observateur de la Loi. Pour nous elle est plus facile à comprendre, mais son exigence reste. Elle rejoint le Sermon sur la Montagne: Eh bien! moi je vous dis: Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs, afin de devenir fils de votre Père au est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5, 44-45). Nous voici ramenés au Notre Père!
Il se fait ici un réel renversement. Dans la vie quotidienne prévaut le second commandement. S. Jean le dit: Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit pas (I Jn 4, 20). Le second devient premier, mais dans la mesure qu’on le pratique, l’amour de Dieu s’intensifie.
 J’ai toujours été impressionné par le scène du “Jugement dernier” selon s. Matthieu: Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir. (…)  – Quand donc, Seigneur? – En vérité je vous le dis: dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait! (Mt 25, 14-40). Quand donc, Seigneur? Ils ne savaient pas qui était le Christ, ils ne savaient pas qui était le Père! C’est là l’immense cohorte que personne ne peut énumérer depuis Abel et jusqu’au dernier homme à la fin du monde. Ils ne savaient pas!
Mais nous, nous savons. Nous, nous connaissons le Christ et par lui le Père et, dans le mesure où nous sommes au service de ce Christ qui est le prochain, l’Esprit nous laisse découvrir quelque chose du mystère du Dieu unique et trinitaire qui est Amour, quelque chose du mystère du Verbe incarné qui est Jésus de Nazareth, quelque chose de ces deux mystères, fondement de notre foi chrétienne.
Fais cela, dit Jésus, et tu vivras! Nous vivons pour les autres, c’est là notre joie de vivre. Amen.