Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
Frères et sœurs,
On pourrait s’étonner, que parmi les quatre grandes fêtes de la Mère de Dieu – sa Nativité, son Entrée au Temple, l’Annonciation et sa Dormition – seule l’Annonciation se réfère au Nouveau Testament, et encore au seul évangile de Luc. Les autres s’inspirent de récits qu’on appelle “apocryphes”, c’est-à-dire des récits populaires, souvent romancés, qui n’étaient pas lus publiquement dans les églises (de là leur nom, car “apocryphe” veut dire “caché”, “non publique”) mais dont quelques-uns (la minorité, certainement) étaient recommandés comme lecture personnelle et ont fort influencé les fêtes de l’année liturgique. C’est que, malgré leur caractère romancé, ces textes (souvent très anciens) essayaient d’exprimer en termes poétiques, symboliques et imagés un aspect central de l’histoire de notre salut.
C’est le cas notamment du Protévangile (Littéralement: l’évangile qui précède les Evangiles retenus dans le Nouveau Testament) de Saint Jacques, un apocryphe du deuxième siècle, qui est à l’origine des deux premières fêtes mariales de l’année liturgique: la Nativité de la Vierge (8 septembre) et son Entrée au Temple, que nous fêtons aujourd’hui. A l’âge de trois ans – nous raconte ce récit – la petite Marie est amenée au Temple de Jérusalem par ses parents Joachim et Anne pour y être offerte (consacrée) au Seigneur et pour “être à son service tous les jours de sa vie”. Accompagnée des filles d’Israël qui portent des flambeaux, elle se rend tout droit – et sans regarder en arrière – vers le grand-prêtre Zacharie qui l’accueille et la conduit, à l’étonnement de tous, au Saint des Saints du Sanctuaire, là où seul le grand-prêtre pouvait pénétrer une fois par an, après s’être purifié. Marie y restera jusqu’à l’âge de douze ans lorsqu’elle sera fiancée à Joseph. Nourrie miraculeusement par des anges, elle passe sa vie au Temple dans la prière, la méditation de la Parole de Dieu et – ajoutent d’autres écrits plus tard – le tissage et la couture. Elle y aurait confectionné notamment le Voile du Temple (qui se déchirera à la mort de Jésus) et la Tunique sans couture de Jésus, symbole de l’Eglise indivise.
Les hymnes liturgiques que nous avons chantés hier soir reprennent et développent ce récit en lui donnant le sens profond qu’il doit avoir. Car nous ne célébrons pas ici l’entrée d’un enfant au Sanctuaire ou l’éducation religieuse, exceptionnelle, d’une petite fille, aussi touchant que cela puisse nous paraître! Non, et les textes liturgiques le soulignent: Aujourd’hui nous fêtons, nous dit le tropaire, “le prélude de la bienveillance de Dieu” et “le salut du genre humain”. La Vierge “annonce à tous le Christ” car en elle “se réalise le plan du Créateur”.
Ce que nous fêtons, ce n’est pas un compte de fée, “un événement qui n’a pas eu lieu”, un événement non-historique, mais l’événement de notre salut: notre salut qui a été réalisé par la naissance de Jésus, notre Seigneur, de la Vierge Marie. A partir de ce jour nous chantons déjà l’hymne de Noël: “le Christ est né, glorifions-le!”.
La petite vierge Marie n’est pas entrée au Temple pour apprendre à être vierge – car elle l’était et elle le sera toujours –, mais pour grandir et apprendre à être femme et mère, pour se préparer à la naissance de son fils Jésus, pour méditer sa vie en silence, pour être là aux noces de Cana, pour se tenir aussi sous sa Croix. En un seul mot: elle est entré au Temple pour accueillir en elle le Verbe de Dieu et se préparer à lui donner sa chair. Grâce à elle, nous aurons un Dieu “en chair et en os”, un Dieu que nous pouvons toucher et qui nous touche, à qui nous pouvons parler et qui nous écoute, qui nous prend par la main pour nous sauver. Elle entre au Temple et au sanctuaire, au Saint des Saints, pour se préparer – et pour préparer l’humanité toute entière – à être Temple de Dieu, lieu de rencontre entre Dieu et les hommes, présence du Dieu-parmi-nous (l’Emmanuel) dans l’Eglise et dans chacun de nous. Elle le fait comme une petite fille, il est vrai, comme un enfant qui est tout accueil, qui ne demande rien mais qui reçoit tout. Mais elle le fait aussi comme une femme qui peut accueillir en elle un enfant, une nouvelle vie qui changera sa vie, et la vie de tous ceux qui la reçoivent.
“Aujourd’hui, c’est le prélude de la bienveillance de Dieu”, nous chante le tropaire de cette fête. L’Entrée de la Mère de Dieu au Temple est l’image et la fête de notre baptême, où nous sommes devenus Temple nous-mêmes. A notre baptême, en effet, Dieu est venu vivre dans ce qu’il y a de plus précieux, de plus sacré dans sa création: le cœur de l’homme. Il est venu vivre en nous pour nous transformer en Lui.
Notre baptême, frères et sœurs, nous a donné à la fois notre dignité et notre destinée. Notre dignité, nous l’avons de Lui: c’est Lui qui nous a créés: c’est Lui qui nous a re-créés en devenant Homme et en prenant notre nature pour en faire son Temple. Mais notre dignité et notre destinée dépendent aussi de nous. Soyons-en conscients! Comme la Vierge Marie, préparons-nous donc à accueillir le Seigneur en nous par la prière et l’écoute de sa Parole, mais aussi par l’amour de nos frères et soeurs. Il se rend présent à nous et Il s’offre à nous aussi dans chaque Eucharistie, quand nous communions à son Corps et à son Sang. Mais il se manifeste aussi à nous dans chacun de nos frères et sœurs, qui sont le Corps du Christ, le Temple de Dieu, le lieu de sa demeure et la manifestation de sa gloire. Soyons conscients de cette dignité et soyons dignes de notre appel. Amen.
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