Le Christ, pierre angulaire et l’appel des douze ! Pouvait-on souhaiter textes
plus propices à la célébration d’un jubilé de vie religieuse ? Heureuse
coïncidence que nous fournit la fête des saints apôtres Simon et Jude !
L’appel et la réponse à l’appel. L’engagement à la suite de Jésus de Nazareth, le
Fils de Dieu venu à notre rencontre, une vie qui se construit peu à peu, au fil du
temps, sur le Christ, pierre angulaire, qui lui donne toute sa cohérence. Une vie
dans l’intimité du Christ et à son imitation, tout tourné vers Dieu son Père, vers
Dieu notre Père. La sequela Christi, l’imitatio Christi autant d’expressions qui
disent la vie du disciple à l’écoute du maître.
Il y a là de quoi se réjouir, et c’est bien pour cela que nous sommes ici ce matin,
pour célébrer un jubilé et, - permettez le jeu de mots, - pour jubiler nous aussi …
Et nous nous réjouissons d’autant plus que notre jubilaire trouve un double
patronage parmi les apôtres puisqu’il reçut le nom d’André au baptême, et qu’il
assuma ce nom du premier appelé, lors d’un premier engagement dans l’Ordre
du Divin Rédempteur, les rédemptoristes. Quand un plus grand attrait pour
l’Orient chrétien et la vie contemplative se fit sentir, et que davantage saisi par la
prière du Christ pour l’unité « Que tous soient un », André chercha l’endroit qui
lui paraissait le plus adapté pour servir le Seigneur dans ce sens et se consacrer à
un ministère plus intérieur, il entra à Chevetogne et y reçut le nom de Simon.
Soit dit entre parenthèses, un nom totalement nouveau qui n’avait jamais été
porté dans la communauté. Et aujourd’hui, c’est dans l’église du Saint-Sauveur,
en ce monastère de la Sainte-Croix, que le Père Simon célèbre son jubilé, les 50
ans de son engagement qui est unique même s’il s’est fait en étapes successives
qui sont comme un enfouissement progressif au service de l’unique Dieu, « car,
en tout lieu, comme le remarque saint Benoît, c’est un seul Seigneur que l’on
sert, c’est sous un seul Roi qu’on milite » (RB 1, 10)
C’est au terme d’une nuit de prière, à l’écart, que Jésus appelle ses disciples et
en choisit douze auxquels il donne le nom d’apôtres et qui lui seront plus
proches (Lc 6, 12-16). Un jour, ces mêmes disciples seront témoins de la prière
de Jésus et lui demanderont de leur apprendre à prier (Lc 11, 1-2). C’est alors
qu’il leur enseignera le Notre Père. Ceci pour souligner au passage à quel point
nous sommes appelés à être membres de la famille de Dieu (cfr Ep 2, 19) et
combien la prière nous est une voie pour y parvenir, une voie que le Père Simon
emprunte plusieurs fois par jour en communauté et en privé.
Le Divin Rédempteur, le Saint Sauveur, la Sainte Croix … autant de termes que
j’aime ici rapprocher parce qu’ils me paraissent comme un fil rouge dans la vie
du Père Simon, la rédemption, le salut nous étant donné par la croix, cette croix
par laquelle la joie a pénétré le monde, comme le chante la liturgie byzantine en
chaque Vigile dominicale, mémorial de la Pâque du Seigneur. Je veux aussi
rappeler que c’est un 15 septembre, - le 15 septembre 1973, - en la fête de
Notre-Dame des Douleurs, que le Père Simon a fait profession. Stabat Mater …
au pied de la croix se tenait la mère de Jésus, la bienheureuse Vierge Marie, et
avec elle d’autres femmes dont Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres, et le
disciple bien-aimé, l’apôtre saint Jean, autant d’expressions d’un amour que rien
n’arrête, ni la peur, ni la douleur, ni la mort. Et nous savons que dans toute
existence on se retrouve à un moment ou l’autre au pied de la croix, quand ce
n’est pas sur la croix, et qu’il nous faut traverser l’épreuve. C’est de nouveau
dans la prière, une prière animée de foi, d’espérance et d’amour que se fait ce
passage, cette Pâque.
Célébrer un jubilé, c’est célébrer une fidélité, c’est célébrer une fidélité partagée,
car si le Père Simon s’est engagé il y a 50 ans, Dieu s’est aussi engagé. C’est là
tout le sens du Suscipe, ce chant de la profession monastique que le Père Simon
va reprendre dans un instant : « Reçois-moi Seigneur selon ta parole, et je vivrai.
Et ne me déçois pas dans mon attente ».
« Reçois-moi Seigneur selon ta parole … ». La Parole de Dieu, c’est le Verbe
fait chair, c’est le Christ, pierre angulaire, fondement de tout engagement en qui,
« toute la construction s’élève harmonieusement pour devenir un temple saint
dans le Seigneur » (Ep 2, 21). Ailleurs, saint Paul dit que c’est en lui, Jésus,
qu’il nous faut marcher (Col 2, 6) … Cinquante ans après, la construction n’est
toujours pas achevée, il y a encore du chemin à parcourir dans un continuel
renouvellement. Puisses-tu le parcourir, cher Père Simon, dans la joie que te
donne le Sauveur !