Frères et soeurs dans le Seigneur,
La naissance d'un enfant qui vient au monde, engendre normalement de la joie et on se demande, comme à propos de saint Jean Baptiste : « Que sera donc cet enfant ? ». Aujourd'hui, les Eglises en Orient comme en Occident sont unies dans la joie à cause de la Nativité de Marie, la Mère du Seigneur. Le tropaire de la fête chante en effet : Par ta nativité, ô Mère de Dieu, la joie fut révélée à tout l'univers, car de toi s'est levé le Soleil de justice, le Christ notre Dieu, qui, nous délivrant de la malédiction, nous a valu la bénédiction, et, terrassant la mort, nous a fait le don de l'éternelle vie. Et dans le rite romain, l'Introït chante : Célébrons dans la joie la naissance de la bienheureuse Vierge Marie : par elle s'est levé le Soleil de justice, le Christ notre Dieu.
Comme épître nous avons eu ce qu'on appelle l'hymne aux Philippiens, qui évoque tout le mystère du Fils de Dieu : son Incarnation et son mystère pascal de mort et de résurrection. C'est en assumant notre humanité, dans l'humilité et l'obéissance à la volonté de Dieu de sauver tous les hommes, que Lui, parfaite Image du Père, vient restaurer l'image de Dieu en nous ouvrant le chemin vers la plénitude de grâce et de vérité. Voici déjà l'arrière-fond de toute considération sur la B.V.Marie : l'Incarnation et le mystère pascal.
C'est aussi ce qui est exprimé par un passage de Romains 8 : les humains sont appelés, dit l'apôtre, selon le dessein de l'amour de Dieu. Le Fils est le premier-né d'une multitude de frères. Or, pour réaliser ce dessein de prédestination de ses enfants à la gloire, Dieu a choisi Marie de Nazareth, destinée d'avance à être la Mère de son Fils. Ce dessein de Dieu s'est réalisé progressivement dans l'histoire du salut. Il est significatif que le rite romain a comme évangile de la fête la généalogie de Jésus-Christ, fils de David, selon saint Matthieu, culminant dans l'annonce de l'ange du Seigneur à Joseph. Oui, Dieu est avec nous, en Jésus-Christ et Il a préparé une demeure pour son Verbe : c'est d'abord Marie et puis c'est la création renouvelée. Comme le dit saint André de Crète (7°-8° S.) dans une homélie : « Tel est l'objet de la fête que nous célébrons : la naissance de la Mère de Dieu inaugure le mystère qui a pour conclusion et pour terme l'union du Verbe avec la chair...Que toute la création chante et danse...Aujourd'hui, en effet, s'élève le sanctuaire créé où résidera le Créateur de l'univers ; et une créature, par cette disposition toute nouvelle, est préparée pour offrir au Créateur une demeure sacrée ».
Nous avons eu comme évangile – comme souvent lors des fêtes mariales dans le rite byzantin – l'épisode de Marthe et de Marie de Béthanie, auquel la liturgie a collé un passage où Jésus relativise en quelque sorte l'aspect corporel de la maternité de Marie sa Mère, en soulignant comment l'écoute de la parole divine est sa vraie béatitude. Rappelons-nous, bien sûr, l'Annonciation et tous les mentions de saint Luc concernant Marie gardant les événements et les paroles touchant son Fils Jésus dans son coeur. Cette méditation passe aussi par la nuit de la foi dans la non-compréhension de son mystère, tout en l'ayant accueilli dans une obéissance et une humilité totales. L'attitude que Jésus loue en Marie de Béthanie, Il l'a d'abord trouvée chez sa Mère, Marie de Nazareth. Et ne faut-il pas aller plus loin : comme la croissance fait inévitablement partie de la condition humaine, assumée par le Christ, on peut supposer qu'Il a appris d'Elle cette attitude d'écoute de Dieu, cette meilleure part. Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur (Mc 12, 29)...Dans son enfance, Jésus a dû être initié dans ce premier commandement. Comme au second et il est clair que Marie, la Mère du Seigneur, a certainement uni en sa personne les deux types de vie, symbolisés dans la tradition par Marthe et Marie. Marie de Nazareth est l'exemple du disciple qui écoute le Maître, qui garde sa parole – c'est la méditer dans son coeur dans une attitude orante – et qui la met en pratique, comme l'homme qui bâtit sa maison sur le roc (cf. Mt 7, 24).
Retour à la joie de la fête d'aujourd'hui. L'année liturgique byzantine est englobée par 2 fêtes mariales : le début dans la naissance et la fin dans sa dormition/assomption. Et c'est pour nous entraîner dans cette perspective : nous sommes nés, créés et re-créés, avec cette destinée de gloire, mais entre les deux : quel chemin à parcourir, avec cette lente transfiguration de notre être par la grâce de l'Esprit, espérons-le. Une note trouvée par hasard dans un psautier dans un monastère : « la vie : l'homme naît et respire, puis il aspire, puis il soupire et finalement il expire ». C'est toujours le souffle divin qui nous porte plus loin, jusqu'au sanctuaire céleste.
Un aspect resté dans l'ombre dans la tradition spirituelle, c'est la croissance humaine de la B.V.Marie : ce en quoi elle pourrait nous instruire, comment elle a vécu cette obéissance de la foi. Je pourrais citer ici d'une poésie de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, mais j'y renonce et je cite des tropaires de composition cistercienne :
Voici l'aurore avant le jour,
Voici la mère virginale,
La femme promise au début des âges,
Elle a bâti sa demeure
Dans les vouloirs du Père.
Aucune peur, aucun refus,
Ne vient troubler l'oeuvre de grâce,
Son coeur est rempli d'ineffable attente,
Elle offre à Dieu le silence
Où la Parole habite