Ml 3, 1-4 *H 11-18 * Lc 2, 22-40
Aujourd’hui, quarante jours après Noël, nous célébrons la Pré- sentation du Seigneur au temple, fête de la Rencontre de Jésus avec son Père, fête de l’accueil. Que cette fête nous accorde la grâce d’être toute votre vie des hommes et des femmes d’accueil.
Nous fêtons ce jour avec des cierges allumés, “comme à la Nuit de Pâques” (Égérie) et par une procession qui nous vient de la ville de Rome et qui, en Palestine, partait de Bethléem vers Jérusalem. Nous avons chanté un tropaire byzantin, qui vient de la vigile de hier soir (Cosmas de Maïouma, apostiche de vêpres): merveilleux échange entre l’Orient et l’Occident, qu’il nous est donné d’exprimer symboliquement ici à Chevetogne. Voici:
“Orne ta chambre nuptiale, Sion, accueille le Christ notre roi; embrasse Marie, la porte du ciel: c’est elle, le nouveau trône des chérubins; elle porte le roi de gloire, nuée lumineuse portant en la chair le Fils avant l’aurore engendré. Siméon, le recevant dans ses bras, révèle à tous les peuples qu’il est le Maître de la vie et de la mort, le Rédempteur de nos âmes”.
L’Écriture enseigne que Jésus, le Messie, dans le mystère de son Incarnation est pleinement homme, inséré dans l’histoire d’un peuple et d’une famille, soumis à la Loi mosaïque, la circoncision, le rachat du premier-né, la purification rituelle de sa mère. L‘Évangile de Luc a réuni ensemble les deux dernières obligations, en soit distinctes, et les situe dans le temple.
Le premier-né mâle, par référence aux premiers-nés juifs, épargnés par l’ange exterminateur des premiers-nés égyptiens (Ex 13, 15), pouvait être racheté par n’importe quel prêtre pour la somme de cinq shekels d’argent (Nm 18, 15-16). Point n’était besoin de venir au temple. Cette prescription est encore en usage aujourd’hui. N’importe quel Cohen (Kohn, Kuhn, Kahn) peut la recevoir. Quant à l’offrande d’un agneau ou de deux tourterelles et de deux colombes, ce n’était possible que quand il y avait un temple et un culte sacrificiel (Lv 12) et ne concernait que la purification de la mère.
Ce que l’Évangile veut exprimer, c’est que le premier-né est mis à part, sacré, saint (le mot est au neutre, comme lors de l’Annonciation, Lc 1, 34), une réalité sainte qui appartient au Seigneur (Ex 13, 2. 12). Il lui est consacré, il est offert en sacrifice au Seigneur (Ex 13, 15). Cet accomplissement de la Loi (trois fois nommée) est brièvement résumée par Luc, car l’accent de son message est mis sur Siméon et Anne, deux laïcs, deux vieillards qui accueillent et reçoivent l’enfant et le bénissent, ainsi que ses parents. Trois fois est mentionné le Saint-Esprit. Nous passons de la Loi à la grâce!
Vous aurez sûrement remarqué et êtes étonnés, comme moi: on est bien dans le temple, mais où est le prêtre? Il n’y en a pas! Ce n’est pas le prêtre qui accueille et bénit. Ce sont un prophète et une prophétesse (quatre dans l’Ancien Testament: Myriam, sœur d’Aaron, Ex 15, 20; Déborah, Jg 4, 4; Hulda, 4 R 22, 14; la femme d’Isaïe, Is 8, 3). Siméon, “l’Exaucé” (tel est le sens de son nom) attendait la consolation (paraklêsis) d’Israël et avait reçu l’assurance qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ (le Messie) du Seigneur. Quoi de plus beau pourrait souhaiter un vieillard au seuil de la mort? Voir le Messie! Le voilà exaucé! Il reçoit l’enfant dans ses bras et prononce sur lui une bénédiction. Cet usage existe toujours. À la naissance ou lors de la circoncision de l’enfant, tout le monde le bénit. On se le passe de mains en mains, en veillant à ne pas le laisser tomber, et on le bénit en disant, par exemple: “Béni es-tu, Seigneur, pour ce nouveau-né! Comble-le de tous tes bienfaits”. Siméon, lui, regarde au-delà de la mort dans sa bénédiction qui est le dernier des trois cantiques de l’Évangile de Luc, tous trois entrés dans la liturgie de nos Églises. Dans cette rencontre avec Siméon et Anne s’accomplit l’attente du salut pour Israël et, en même temps, au-delà d’Israël la lumière qui se révèle aux nations, l’attente de la rédemption (lytrôsis) universelle. Déjà Isaïe avait annoncé que le Serviteur du Seigneur serait la lumière des nations (Is 49, 6).
Jésus est ce Serviteur du Seigneur et il est devenu un grand prêtre compatissant et digne de confiance (H 2, 17), selon l’ordre de Melchisédek et non pas selon l’ordre d’Aaron. Et si le sacerdoce est changé, il y a nécessairement un changement de Loi (H 7, 11-12). C’est cela que signifie l’absence de prêtre lors de la Présentation de Jésus dans le temple, où il est offert à son Père céleste. Si le temple est le symbole de la Présence sainte de Dieu au milieu de son peuple, cette sainteté est passée de l’édifice du temple à la personne de Jésus.
Siméon et Anne, témoins de l’humanité vouée à la mort, reçoivent en leurs bras Jésus, gage de notre vie, de notre salut, de notre jeunesse renouvelée dans la résurrection. Avec eux notre regard se porte vers l’avenir, l’avenir de toute l’humanité. Recevons Jésus dans nos bras et dans notre cœur, embrassons le, lui qui a embrassé notre humanité.
Amen.