(Ac 1, 12-17.21-26/ Jn 1, 18-28)
Frères et soeurs dans le Seigneur,
Dans le rite byzantin les lectures d'aujourd'hui sont la continuation de celles de hier : les Actes des Apôtres et le premier chapitre de saint Jean. Le tout illuminé, comme toute l'Ecriture de l'Ancien comme du Nouveau Testament, par la lumière du Christ Ressuscité, le Fils unique qui nous fait connaître le Père, le Dieu Invisible.
Un mot retient notre attention dans le premier chapitre des Actes et c'est TEMOINS. Hier, nous avons entendu déjà de la bouche de Jésus, le Ressuscité : Vous serez alors mes témoins à Jérusalem...et jusqu'aux extrémités de la terre. Et aujourd'hui nous voyons comment les Onze avec quelques femmes, dont Marie mère de Jésus, s'y préparent, en montant à la chambre haute pour y être assidus à la prière. Ainsi la parole de Dieu nous oriente dès ces débuts du temps pascal vers le don de l'Esprit Saint, promis par le Christ. Il y a ainsi un lien très fort entre la montée à la chambre de la prière – ce cénacle, sans doute le lieu même de la dernière Cène – et la mission. Si celle-ci ne veut pas être une propagande mais un témoignage, il faut qu'on se rassemble d'abord en assemblée de prière. C'est le moment de la concentration, de la bonne clôture, si l'on veut, c'est le demeurer en Lui – le Christ – et sa Parole ; c'est la méditation des événements du salut dans le coeur, comme saint Luc l'avait déjà dit par rapport à la Vierge Marie, au début de son évangile.
Le récit continue par une épisode concernant la place vide laissée par Judas – j'oserais dire tristement présent dans certains chants comme une violence verbale mal maîtrisée – mais ici, il s'agit surtout de trouver un moyen de restaurer le nombre symbolique de douze, à l'instar des douze tribus d'Israël, que les apôtres représentent, au moment même de préparer une mission qui va aller bien au-delà. Ici, de nouveau, c'est la parole 'témoin' qui sort de la bouche de Pierre, au milieu de quelques 120 disciples : il faut qu'il y en ait un – des compagnons de la première heure – qui devienne avec nous témoin de la résurrection du Seigneur Jésus. Celui qui sera choisi – par un tirage au sort, pratique que l'on ne retrouve plus dans la suite des Actes des Apôtres – est Matthias. Remarquons que l'évangile du salut va se répandre aussi par d'autres que les Douze – dont certains noms ne reviennent pas – pensons aux diacres Etienne et Philippe, pensons à Jacques le frère du Seigneur et bien sûr à Paul et tant d'autres. On peut donc ainsi devenir témoin de la Résurrection du Christ, sans l'avoir connu avant Pâques. Au début de son épître aux Romains, saint Paul parle de deux approches, si l'on veut, du Christ Jésus : humainement « issu de la lignée de David selon la chair » et puis : « établi Fils de Dieu avec puissance selon l'esprit de sainteté, par sa résurrection des morts » (Rm 1, 3-4). C'est la lumière de Pâques qui fait connaître Jésus comme Christ, Fils de Dieu, Seigneur et Sauveur ; connaissance amoureuse, contemplative, dans l'onction de l'Esprit de sainteté. Le témoin du Christ est d'abord un disciple qui l'a écouté, aussi bien dans la chambre haute de la communauté confessante de la foi que dans la chambre intérieure de son coeur.
L'évangile aussi nous parle de témoignage. Hier nous avons entendu dans le Prologue : Il y eut un homme envoyé de Dieu. Son nom était Jean. Il vint pour témoigner, pour rendre témoignage à la lumière (vv. 6-7). Et aujourd'hui, sa voix crie : Au milieu de vous se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas (v. 26). Selon la tradition spirituelle de l'Eglise, le témoignage de Jean est toujours d'actualité. Le mystère que nous célébrons, dans la liturgie aussi bien dans l'église que dans toute notre vie, n'est-ce pas le Christ parmi vous/nous, l'espérance de la gloire (Col 1, 27) ? Pour vivre pleinement de cette richesse, nous avons besoin du témoignage de Jean, qui continue comme la valeur permanente du désert dans la spiritualité chrétienne. Créer de l'espace et du temps pour l'Eternel. Ou encore la traversée du désert de l'épreuve. L'Apocalypse a un passage où le peuple de Dieu est exhorté à sortir de Babylone (18, 4) – symbole de la cité du mal – et de trouver refuge au désert (cf Ap 12, 14). Le témoignage de Jésus est l'esprit de prophétie (19, 10b), dit encore l'ange au voyant, Jean. La vie chrétienne elle-même, si elle est vécue avec une certaine intensité, est une prédication vivante de la victoire du Christ Ressuscité sur les forces du mal et de la mort.
Le témoignage de Jean le Baptiste est l'annonce de la venue du Christ comme Juge. Jésus est venu pour que le monde soit sauvé. C'est le temps de la miséricorde, de la conversion et du pardon des péchés – comme dit le Ressuscité à la fin de l'évangile selon saint Luc. Nous espérons que tous ouvrent leurs coeurs à l'offre divin du salut. Tout au long de l'histoire – et c'est douloureusement actuel de nos jours avec la guerre que subit l'Ukraine – des puissants qui dominent des nations s'arrogent le droit de décider de la vie et de la mort de personnes innocentes. Il y en a même qui se font appeler défenseurs des intérêts du Royaume de Dieu. Le psaume deux les met en garde : le vrai Juge de l'histoire est le Seigneur. En terminant je veux citer de l'Encyclique Spe Salvi de Benoît XVI (2007). « Dieu lui-même s'est donné une 'image' : dans le Christ qui s'est fait homme....Ce souffrant innocent est devenu espérance-certitude : Dieu existe et Dieu sait créer la justice d'une manière que nous ne sommes pas capables de concevoir et que, cependant, dans la foi nous pouvons pressentir. Oui, la résurrection de la chair existe. Une justice existe... » (43). Le Credo se conclut par les paroles : « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts ». Cette perspective exprime l'espérance dans la justice de Dieu. Devenons témoins du Ressuscité, par nos actes d'espérance au milieu des angoisses de ce monde qui passe. La confiance, une confiance d'enfant, permet à la force de la Résurrection de nous habiter. Car le Dieu fait homme ne cesse pas d'être avec nous. (O. Clément)