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Toussaint 2016

(Ap 7, 2-4.9-14; 1 Jn 3, 1-3; Mt 5, 1-12 a)

« Toussaint » = fête de tous les saints. Mais l’être humain ne peut être « saint » que par participation à la sainteté de Celui qui est « le saint » par essence. Celui dont on dit qu’il est « trois fois saint » pour exprimer qu’il est le « tout autre », Celui dont on ne peut voir la face sans mourir et qui se nomme « YHWH », c’est-à-dire « celui qui est », car il est l’être par excellence, le seul qui existe par lui-même.

En Jésus, « Dieu s’est fait homme pour que l’homme puisse devenir Dieu », comme l’ont dit les Pères grecs. Cela ne signifie bien sûr pas que l’être humain puisse devenir Dieu par essence, mais par participation à la sainteté absolue du Christ. Car Jésus est Dieu, comme c’est clairement indiqué sur les icônes : ὁ ὤν = YHWH. C’est d’ailleurs fort bien exprimé dans Lc 5,8, lors de la pêche miraculeuse: S. Pierre s’écrie « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ! » Ce dont Pierre ne pouvait encore se rendre compte alors, c’est que la mission de Jésus était précisément d’offrir à « ceux qui croiraient en son Nom » de « devenir enfants de Dieu » (Jn 1,12 ; 1 Jn 3,1)

Et comment devenir enfants de Dieu ? En faisant les œuvres de Dieu (Jn 14,12 etc.), dont la première est la foi en Jésus. Mais la foi n’est pas une simple démarche intellectuelle, c’est une manière de vivre, on ne peut pas croire en Jésus et faire les œuvres du diable (Jn 8,41). C’est bien pourquoi Jésus nous a clairement montré la voie par les Béatitudes dont nous avons entendu la lecture : être « pauvre de cœur », c’est avant tout compter sur Dieu et non pas sur soi-même ou sur ses propres richesses, sur sa propre force ou sa propre science; être « doux », ce n’est pas être bête, c’est choisir d’aimer son prochain suffisamment pour avoir la patience d’attendre qu’il comprenne, c’est ne pas vouloir se venger, mais faire tout son possible pour en arriver à une solution pacifique; « pleurer », ce n’est pas gémir et se lamenter, mais avoir le réalisme de reconnaître ses propres fautes et savoir les regretter; « avoir faim et soif de justice », c’est faire de son mieux pour que l’on reconnaisse les droits des plus faibles et des plus pauvres; « être miséricordieux », c’est aimer son prochain de tout son cœur, et être prêt à pardonner, désirer de tout cœur que ce soit l’amour qui règne entre nous, et non la haine ou la colère; « avoir le cœur pur », c’est vivre dans la vérité, « être transparent », dirions-nous aujourd’hui, parce qu’on n’a rien à cacher. Cela peut même amener à « être persécuté pour la justice » et à le vivre en union avec le Christ qui, lui aussi, a été condamné injustement: ceux qui peuvent arriver à suivre ainsi Jésus jusque dans la souffrance subie contre toute justice témoignent que l’amour de Dieu pour toutes ses créatures a envahi leur cœur, et qu’ils sont, à leur tour, devenus « temples de l’Esprit », de l’Esprit de Dieu, qui est un esprit d’amour infini.

Certes, ce n’est pas naturel chez nous : c’est bien pour cela que l’humanité a eu besoin d’un Sauveur. Et c’est aussi pourquoi Jésus nous a laissé des moyens très humains, c’est-à-dire des « choses à faire », que nous pouvons voir et toucher, pour nous aider à progresser sur le chemin de la sainteté car, si la sainteté ne nous est pas naturelle, elle s’acquiert tout au long de notre vie par notre persévérance. Ces moyens, ce sont les sacrements que dispense l’Église: le baptême, qui est un acte de foi (du baptisé ou de ses parents pour lui), la volonté de confier toute sa vie à Dieu, et de devenir un « temple de l’Esprit » par la confirmation; le sacrement de la réconciliation, qui nous donne l’occasion de regretter nos fautes et de demander l’aide de Dieu pour ne plus pécher; l’eucharistie, qui nous permet de communier à la sainteté du Christ, pourvu que nous la recevions dignement; et n’oublions pas le sacrement de mariage, qui nous permet d’inviter, si j’ose dire, Dieu au sein de la famille, de faire de la famille un lieu où Dieu est présent non seulement en chacun individuellement, mais dans le groupe familial en tant que tel. Car la sainteté, ce n’est pas une idée abstraite, la sainteté se vit tous les jours, dans les actes les plus quotidiens de notre vie, en les accomplissant ou, lorsqu’il nous arrive de pécher, en les regrettant et en essayant de réparer. C’est cela, vivre de l’amour de Dieu, et manifester cet amour par sa propre vie.

Qui vit ainsi de l’amour de Dieu commence déjà à « voir Dieu tel qu’il est », comme le disait l’épître. Certes, nous sommes encore loin de vivre pleinement cette communion parfaite à Dieu que vivent les saints au ciel, cette communion parfaite dont ont parlé les lectures de l’Apocalypse et de la première épître de Jean, mais nous sommes des êtres qui évoluent: le chemin monte vers le ciel, à nous de vouloir le monter, avec l’aide de la grâce de Dieu et, ne l’oublions pas, avec le soutien des saints qui ont parcouru ce chemin avant nous et qui nous encouragent. Car eux aussi ont peiné sur ce chemin, eux aussi ont commis des péchés, parfois de très grands péchés, mais ils ont toujours cru que l’amour de Dieu et son pardon sont plus forts que la mort du péché, plus forts que le désespoir d’un être humain qui se voit retomber toujours dans les mêmes fautes, plus fort que la tentation qui nous guette et veut nous piéger. Ils ont mis toute leur confiance en Dieu, et Dieu les a sauvés. Nous aussi, Dieu nous attend, chaque jour, à chaque instant, comme les parents attendent leurs enfants et ont plaisir à les voir grandir. « Fondons notre espérance dans le Christ », afin que sa grâce nous rende, nous aussi, « purs comme lui-même est pur » (1 Jn 3,3).