« Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean... et les emmène à l’écart sur une haute montagne ». Tant de fois, nous rapporte l’Evangile, Jésus cherche la solitude pour prier, prier de longues heures, parfois même toute une nuit. Quelquefois ses disciples et apôtres deviennent les témoins de sa prière. Aujourd’hui le Seigneur Jésus emmène loin de la foule, à l’écart sur une haute montagne, les trois apôtres qui ont été témoins de la résurrection de la fille de Jaïre et qui deviendront les témoins de sa prière d’agonie au jardin de Gethsémani avant sa passion.
La prière de Jésus... Nous la connaissons puisqu’il nous l’a transmise et enseignée. C’est le « Notre Père ». Nous ne finirons jamais d’apprendre à prier le « Notre Père ».
La prière de Jésus... Nous la connaissons si mal et si peu, parce que notre prière à nous est si pauvre, maladroite, distraite.
Mais laissons-nous porter par la prière de Jésus au Père, qui soutient et porte la nôtre.
La prière de Jésus est intimité avec son Père et notre Père, présence totale du Fils au Père, du Père au Fils. Nous connaissons les paroles de la prière de Jésus, une parole unique : « Abba », Père. Aujourd’hui nous entendons la réponse du Père au Seigneur Jésus : « Fils bien-aimé ». Et le Père veut que nous connaissions et retenions sa réponse : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Ecoutez-le ! ». Rien de plus : « Abba », « Fils bien-aimé », dans l’intimité de l’ineffable amour, signifié par la nuée lumineuse, symbole de l’Esprit Saint.
A la transfiguration cette intimité ineffable du Seigneur Christ avec son Père transparaît dans toute sa personne. La beauté voilée de l’amour éternel du Père et du Fils, leur colloque d’amour, rayonne sur le visage de Jésus.
Ne nous étonnons pas. Ne disons-nous pas, pour le voir et l’admirer, que les hommes aussi peuvent être comme « transfigurés » ? Le sourire de totale confiance du petit enfant à sa mère ou à son père n’irradie-t-il pas lumière et beauté sur leur visage ? Le regard de deux amoureux ne transforme-t-il pas la face de l’un et de l’autre et ne les fait-il pas briller de joie ? En d’autres mots : le bonheur de l’intimité, de la communion des cœurs, déborde en beauté rayonnante de lumière sur toute personne, il la transfigure.
La transfiguration du Seigneur Jésus nous indique cela : l’amour de Dieu, Père, Fils et Esprit, se fait beauté et lumière dans la chair humaine de l’homme Jésus, notre frère en humanité. Mais non pas sans que nous l’écoutions, pour accomplir sa volonté. La transfiguration c’est aussi cela.
Ce ne sont pas seulement Pierre, Jacques et Jean qui sont convoqués à cette expérience qui anticipe la résurrection universelle à la fin des temps. Sont convoqués aussi les grands témoins de l’Alliance de Dieu avec Israël, Moïse et Elie. Moïse et Elie : les deux prophètes d’avant Christ Jésus qui avaient désiré voir « la face de Dieu ». Sur le mont Horeb au Sinaï Dieu leur avait montré non pas sa « face », mais son passage. Ils l’avaient vu de dos. A la transfiguration ils voient enfin le visage de Dieu, le Fils de Dieu fait chair, Jésus le Christ. Car « qui m’a vu a vu le Père » répondra Jésus à l’apôtre Philippe, qui demande au Seigneur « montre-nous le Père » (Jn 14, 8).
Mais il n’y a pas de vision pour eux ni pour nous sans parole(s). Jésus s’entretient avec Moïse et Elie de son « exode » (Lc 9, 31), de ses souffrances, croix et résurrection, « qu’il allait accomplir à Jérusalem ».
Provisoirement la vision de gloire ici-bas n’est qu’une brève déchirure du ciel : un instant nous entrevoyons ce que nous espérons et croyons. Car Jésus sera plongé, ou plutôt acceptera volontairement d’être plongé, dans l’abîme des souffrances humaines. L’amour c’est justement de faire le sacrifice de sa vie pour ceux qu’on aime. Ce ne sont ni le sacrifice ni la croix en soi qui changent le cours du monde. C’est l’amour qui les habite. Voilà de quoi s’entretient Jésus, le messie souffrant et ressuscité, avec Moïse et Elie.
La transfiguration du Seigneur Jésus est un mystère. Elle ouvre notre cœur au mystère de Dieu, communion d’amour. Elle ouvre aussi notre cœur à l’amour de Dieu, Père, Fils et Esprit Saint, pour l’humanité, pour chacun de nous.
Amen.