Categories

3 e Dimanche de Carême 2025

En consacrant ce 3 e dimanche de Carême à la vénération de la Croix, la liturgie
byzantine nous donne ou nous redonne la direction à prendre, ou tout
simplement à garder. C’est en pleine conscience de ce qui va lui arriver que
Jésus monte à Jérusalem, et qu’il en prend résolument le chemin, selon ce qu’en
dit l’évangéliste Luc (Lc 9, 51). S’il monte à Jérusalem, c’est pour ensuite y être
élevé en croix. C’est de la même façon que nous devons y monter
spirituellement. Si la croix nous est donnée à vénérer en ce dimanche qui,
comme tous les dimanches, est consacré à la mémoire de la résurrection, c’est
parce qu’elle est l’instrument de notre salut et qu’il fallait que le Christ endurât
ces souffrances pour entrer dans sa gloire (Lc 24, 25). Rappelons-nous aussi que
l’apôtre et évangéliste Jean, témoin oculaire de l’horreur de la croix, parle de la
crucifixion en termes de glorification (Jn 12, 23-33). Ce dimanche nous plonge
de façon particulière dans le mystère de mort et de résurrection du Sauveur.
À peine ses disciples les plus proches, les Douze, l’ont-ils reconnu, par la
bouche de Pierre, comme le Christ de Dieu, alors qu’il leur demandait qui il était
au dire des hommes et pour eux en particulier (Mc 8, 27-30), que Jésus met
cartes sur table et leur dit quel type de messie il est réellement, non pas celui qui
restaurera la royauté en Israël (Lc 24, 21 ; Ac 1,6), comme ils le croiront
longtemps malgré ses mises au point et ses annonces de la passion, mais un
messie souffrant, devant passer par la mort pour ressusciter (Mc 8, 31-32 ; 9, 30-
32 ; 10, 32-34).
Et cela étant dit, il en tire les conséquences pour tout qui veut le suivre. Il faut se
renier soi-même et prendre sa croix. Cela suppose que l’existence du disciple
authentique est définie par celle de Jésus : il s’agit de le suivre dans le
renoncement à soi que signifie l’acceptation de la croix, et cela en risquant sa
vie pour la cause de Jésus et de l’Évangile. Cela va bien au-delà de la tentation
de vouloir sauver sa vie, et nécessite un dur combat pour qui s’engage dans cette
voie, mais d’abord pour Jésus lui-même, comme le laisse entrevoir sa prière à
Gethsémani, lorsqu’après avoir tenté d’échapper à son heure, il s’abandonne à la
volonté de Dieu son Père (Mc 14, 36). Là se dévoile l’abîme de douleur que
recouvre ou peut recouvrer l’invocation de la prière enseignée par Jésus à ses
disciples : « que ta volonté soit faite » (Mt 6, 10). Et comme il n’y a pas de

disciple au-dessus du maître (Jn 13, 16 ; Mt 10, 24 ; Lc 6, 40), c’est ce qui
s’ouvre devant celui qui s’engage à suivre le Christ. La vie du chrétien consiste
en l’imitation de Jésus-Christ, non pas un mimétisme aveugle, mais une
adhésion pleinement consciente de tout son être, corps et âme, à l’image même
du premier commandement qui est d’aimer Dieu « de tout son cœur, de toute son
âme, de tout son esprit et de toute sa force » (Mc 12, 30), et du second aussi qui
est d’aimer son prochain comme soi-même (Mc 12, 31). Jésus lui-même n’a pas
eu d’autre attitude envers son Père et envers les hommes qu’il est venu sauver.
Et c’est cela avoir les uns envers les autres les mêmes sentiments qui sont dans
le Christ Jésus (Ph 2, 5).
Pour que nous puissions être semblables au Christ, il s’est fait semblable à nous,
et pour reprendre les termes de la lettre aux Hébreux que nous avons entendue,
« il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, à l’exception du péché »
(He 4, 15). Sa victoire sur la mort nous invite à tenir ferme la confession de foi
(He 4, 14), - il est bien le Fils de Dieu ! - et « à nous avancer avec pleine
assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver
grâce, pour une aide opportune » (He 4, 16). C’est que le Christ, rendu capable
de compatir à nos souffrances pour les avoir partagées par son incarnation,
intercède pour nous auprès de Dieu son Père. Il nous est une aide et un soutien
dans l’épreuve, lui qui est avec nous jusqu’à la fin du monde, comme il nous l’a
promis (Mt 28, 20).
La croix que Jésus nous demande de prendre pour le suivre, se décline de
multiples façons au rythme des béatitudes, dans une attitude de pauvre de cœur,
de miséricordieux, d’artisans de paix, mais aussi dans le réconfort porté aux
affamés et assoiffés, aux étrangers, aux malades et aux prisonniers, bref à tous
ces plus petits que Jésus reconnaît pour ses frères (Mt 25, 31-46). Cela aussi
relève du renoncement à soi. Et si dans nos sociétés sécularisées, l’appartenance
au Christ et l’annonce de l’Évangile se limitent le plus souvent, sans grand
risque, à ne pas en rougir devant les hommes et à oser rendre compte de
l’espérance qui est en nous (1 P 3, 15), il n’en va pas de même en maints
endroits du monde où la persécution violente et sanglante des chrétiens persiste
encore ou reprend vigueur. Que le témoignage de ces martyrs d’aujourd’hui
fortifient notre foi et dynamise notre engagement à la suite du Christ. Qu’il n’ait
pas à rougir de nous quand il viendra dans la gloire de son Père.