C'est Toi, Seigneur, qui, au commencement, as fondé la terre, et les cieux sont l'ouvrage
de tes mains. Ils périront, mais Toi tu demeures ; et tous ils vieilliront comme un
vêtement. Tu les changeras comme un manteau, et ils seront changés ; mais Toi, Tu es
le même, et tes années ne finiront pas. (Hb 2,10-12, = Ps 101 [héb 102],26-27)
- Dieu est éternel, ou plus exactement Il est totalement étranger à la matière, et donc à
l'espace-temps. Il est une personne et non pas simplement un principe abstrait (bon, beau…),
mais Il n’est pas matériel. Nous lui attribuons la création, mais en même temps nous ne
pouvons pas comprendre ce que cela signifie exactement : les hommes ont raison de chercher
à comprendre ce qu’ils peuvent de l’origine du monde (le Big Bang etc.), mais quelle que soit
l’explication à laquelle on arrive, cela ne peut jamais atteindre la Personne de Dieu ni à savoir
« comment Il s’y est pris » (ce qui est une question purement humaine, en fait, car le
« comment » est nécessairement de l’ordre du matériel, et les preuves ne peuvent être que
matérielles).
- toutefois, Dieu a créé le monde par sa Parole, c'est-à-dire par son Verbe (même mot :
« Dieu dit : que la lumière soit » etc. Gen 1,3), et le Christ est le Verbe de Dieu, ce qui
suggère une relation particulière entre le Christ, 2 e Personne de la Trinité, et la création. Et
l'Esprit Saint a aussi une relation particulière (cf. Gen 1,2: « l'Esprit de Dieu planait sur les
eaux »). Mais essayer d'en dire davantage revient sans doute à appliquer à Dieu des
anthropomorphismes.
- forcément, comme nous ne pouvons penser que par analogie, nous imaginons Dieu à
partir de notre expérience de l’être, d’où on le dépeint comme « l’ancien des jours » (cf.
Daniel 7, vv. 9 et 22), un grand vieillard à la belle barbe blanche, dont tout le monde voit bien
que ce n’est qu’une représentation. Et c’est d’ailleurs pourquoi, en principe, la tradition
byzantine interdit de représenter Dieu le Père (quoiqu’on trouve des exceptions, sous
influence occidentale). Mais les Ethiopiens, par ex., représentent souvent la Trinité comme
trois « Anciens des jours » sous une seule robe de majesté.
- alors qu’est donc Dieu ? Impossible à l’esprit humain de se l’imaginer. Nous pouvons
seulement dire de Lui qu’Il est le « tout autre ».
- toutefois, Dieu a voulu se rendre visible, et donc « imaginable » à l’esprit humain dans
la personne de Jésus, qui est à la fois totalement Dieu et totalement homme, sans qu’aucune
de ces deux qualités ne soit diminuée ou prisonnière de l’autre. C’est évidemment un mystère
encore plus grand, si l’on veut, que celui de la Personne de Dieu, cela dépasse totalement
notre capacité d’imagination, mais en même temps cela nous permet de comprendre les
attributs de Dieu dans la personne de Jésus, en regardant sa vie, qui nous montre « comment
est Dieu » lorsqu’Il est dans le monde matériel.
- en même temps, Jésus n’est pas venu sur terre simplement pour nous instruire, Il est
venu pour nous sauver ! ce salut, c’est de faire de nous des « enfants de Dieu », autrement dit
de nous permettre d’entrer à notre tour dans la vie divine — à laquelle Adam et Ève (modèles
de l’humanité) étaient promis et pour laquelle ils avaient été créés, mais qu’ils n’ont pas
accepté de vivre, ayant voulu « être comme des dieux » (Gen 3,5), c'est-à-dire totalement
autonomes, sans relation à Dieu, ce qui est la racine de tout péché.
- comment Jésus nous sauve-t-Il ? d’une part en nous montrant concrètement ce que
c’est que de se conduire comme Dieu — un exemple à suivre que nous n’arrivons guère à
réaliser, mais que nous sommes invités à accomplir de notre mieux — et d’autre part en nous
faisant comprendre l’immensité de l’amour de Dieu pour chacun de nous, et la soif qu’a Dieu
de nous voir « rentrer dans la famille », comme le montre la parabole de l’Enfant Prodigue.
La seule chose que Dieu ne peut pas faire à notre place, c’est d’y croire non seulement en
paroles, mais surtout en actes. Toutefois, les miracles de Jésus (dont la guérison du
paralytique dont il est question dans l'évangile d'aujourd-hui) montrent le pouvoir absolu de
Dieu sur sa création ; à la question, bien naturelle, « pourquoi alors Dieu ne guérit-Il pas tous
les maux ? », la réponse est simple — quoique difficile à entendre aussi longtemps que l'on
reste au niveau matériel, aussi longtemps que l'on « se prend pour Dieu » et croit pouvoir tout
comprendre à partir de notre pensée humaine — c'est que Jésus n'est pas venu pour établir le
paradis sur terre, ce qui serait un faux paradis, précisément ce que le serpent a réussi à faire
croire à Adam et Ève, mais pour nous sauver, c'est-à-dire nous remettre dans la vérité de la
relation avec Dieu. Le miracle du paralytique est éloquent de ce point de vue : c'est pour faire
comprendre que Dieu a le pouvoir de remettre les péchés que Jésus l'accomplit, et pas d'abord
pour rendre la santé à cette personne qui, certes, la désirait ardemment (et on le comprend !),
car cela aurait été pervertir le sens de sa mission sur terre.
- cela nous ouvre aussi une perspective sur la question qui ne peut manquer de nous
hanter tous, celle de « la vie après la mort ». Devenir « enfants de Dieu », « vivre la vie
divine » suppose aussi la sortie du monde de l'espace-temps et l'entrée dans la vie « éternelle »
— ce dernier mot ne devant pas être compris dans le sens de « années après années », qui
serait encore matériel, mais tout simplement de ne plus avoir rien à faire avec la matière ni
avec le temps. C’est évidemment encore plus mystérieux, puisque nous ne pouvons pas
imaginer notre vie autrement que de la seule manière dont nous la connaissons. Nous ne
pouvons que faire confiance à Jésus quand Il nous appelle à Le suivre jusque dans la vie
éternelle. Il y a bien sûr quelques analogies qui peuvent soutenir notre imagination, comme le
fait que « l’amour ne meurt pas », et par ex. que nos défunts restent présents à notre mémoire,
mais ce n’est à coup sûr qu’une analogie. Mais il y a surtout le fait que Jésus ressuscité est «
monté au ciel » avec son Corps glorieux ressuscité : le corps a donc bien une place dans la vie
éternelle qui nous est promise, mais c'est un corps de ressuscité, libéré de l'espace-temps mais
pas contradictoire à lui, puisque Jésus ressuscité peut être touché, peut manger un morceau de
poisson ou un rayon de miel pour prouver que c'est bien Lui (Jn 20-21), mais en même temps
entre et sort toutes portes fermées, se trouve à la fois à Jérusalem et en Galilée, etc. Et,
quoique ce ne soit pas dans la Bible (forcément !), les « apparitions » de la Vierge Marie ou
de saints ici ou là sur notre terre laissent entrevoir que ceux qui sont entrés dans la gloire ne
sont pas pour autant indifférents à ce qui se passe sur terre...
- et le carême dans tout cela ? eh bien, c’est le moment de prendre plus au sérieux
l’enseignement de Jésus, comme le passage de l’épître aux Hébreux que nous avons lu
aujourd’hui nous y invite ! « C'est pourquoi nous devons nous attacher avec plus de soin aux
choses que nous avons entendues, de peur que nous ne soyons emportés au loin » (Hb 2,1).
En particulier ce qui est à la base du péché, à savoir « vouloir être comme des dieux », ou
chercher à faire comme si Dieu n'existait pas et n'était pas à la base de toute notre existence.