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Présentation du Seigneur 2025

« Notre salut est objet d’espérance » (Rm 8, 24) écrit saint Paul aux Romains.
Telle est la situation du vieillard Syméon et de la prophétesse Anne dans leur
attente du Messie. Ils sont de ceux qui par avance ont espéré dans le Christ (Ep
1, 12). C’est toujours saint Paul qui écrit, mais cette fois aux Éphésiens. C’est
que descendants d’Abraham, Syméon et Anne ont l’espérance en héritage ! Et
avec le psalmiste, ils peuvent chanter : « en toi nos pères ont espéré, espéré et tu
les as délivrés » (Ps 21, 5).
Dans leur attente de la consolation d’Israël, Syméon et Anne sont témoins de
l’espérance. Anne parle de l’Enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de
Jérusalem, comprenons tous ceux qui espéraient la délivrance de Jérusalem, car
que serait une attente sans espérance sinon une attente vide ? Cela dit, ne nous
faisons pas d’illusion, ce qu’attendent ceux à qui s’adresse Anne, ce qu’ils
espèrent, c’est très probablement la délivrance de l’occupant romain. Cette
préoccupation, cette méprise, traverse tout l’évangile de Luc et on la retrouve
chez les disciples de Jésus jusqu’à l’Ascension, - « est-ce maintenant que tu vas
restaurer la royauté en Israël ? » (Ac 1, 6) - malgré les mises au point que Jésus
a faites.
Qu’on se rappelle aussi l’espoir déçu des disciples d’Emmaüs : « Nous
espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël … » (Lc 24, 21). Et la
réponse de Jésus : « O cœurs sans intelligence, lents à croire tout ce qu’ont
annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances
pour entrer dans sa gloire ? » (Lc 24, 25) Echo lointain, mais peut-être pas si
lointain que ça sous la plume de Luc, des paroles de Syméon : « Voici que cet
enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un
signe de contradiction […] ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du
cœur d’un grand nombre » (Lc 2, 34-35). Et dans l’épisode d’Emmaüs,
l’évangéliste précise : « Et, commençant par Moïse et parcourant tous les
Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Écritures ce qui le concernait » (Lc
24, 27). Et saint Paul de commenter en quelque sorte, en écrivant aux Romains :
« En effet, tout ce qui a été écrit dans le passé le fut pour notre instruction, afin
que la constance et la consolation que donnent les Écritures nous procurent
l’espérance » (Rm 15, 4).
Dans les propos de Jésus et de Paul, nous avons en filigrane le portrait du
vieillard Syméon et de la prophétesse Anne qui, dans leur accueil du Messie,

« rendent compte de l’espérance qui est en eux », selon la belle expression de
l’apôtre Pierre (1 P 3, 15). C’est ce qui nous est aussi demandé parce que, nous
aussi, dans le Christ, nous sommes la descendance d’Abraham et dépositaires
d’une espérance renouvelée (cfr Gal 3, 29). Et renouvelée, elle l’a été par le Fils
de Dieu venu à notre rencontre, « lumière pour éclairer les nations et gloire de
[son] peuple Israël » (Lc 2, 32). Néanmoins, nous sommes encore en attente.
Avouons-le : dans ce monde troublé où se multiplient les guerres et les conflits
de tout genre, où la dignité humaine est constamment bafouée et où la nature
elle-même est perturbée, nous sommes nous aussi en attente de délivrance. Nous
savons que le Seigneur est présent, comme il nous l’a promis (cfr Mt 28, 20),
mais qu’il n’est pas toujours reconnu, et nous espérons sa manifestation, nous
qui sommes appelés à partager sa gloire (Col 3, 4).
Laissons encore la parole à saint Paul qui nous livre la vision grandiose de ce
qui nous est promis et que nous pouvons espérer : « En effet, la création attend
avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au
pouvoir du néant […]. Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi,
libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire
donnée aux enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière gémit,
elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. Et elle n’est pas
seule. Nous aussi, en nous-mêmes, nous gémissons ; nous avons commencé à
recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de
notre corps. Car nous avons été sauvés, mais c’est en espérance ; voir ce qu’on
espère, ce n’est plus espérer : ce que l’on voit, comment peut-on l’espérer
encore ? Mais nous, qui espérons ce que nous ne voyons pas, nous l’attendons
avec persévérance ». (Rm 8, 19-25)
Voilà qui est dit : attirés dans un immense mouvement de vie, nous participons à
l’enfantement d’un monde nouveau que le Christ annonce : « Voici, je fais toutes
choses nouvelles » (Ap 21, 5). Avec Syméon et Anne, et une foule nombreuse de
témoins avant eux et après eux, nous poursuivons notre route à la rencontre de
« Celui qui est, qui était et qui vient » (Ap 1, 4), nous aussi pèlerins d’espérance.