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Nuit de Noël 2024

« L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les
enveloppa de sa lumière » (Lc 2, 9). C’est ainsi que l’évangéliste Luc décrit
l’apparition de l’ange aux bergers gardant les troupeaux dans la région de
Bethléem. Une trouée de lumière dans un ciel décidément bien obscur, en ce
temps-là comme en ce temps-ci, quel que soit l’occupant et quelles que soient
les forces en présence. Une trouée de lumière qui est comme une bouffée d’air
frais, et plus encore une lueur d’espérance. Une trouée de lumière dans le ciel
dont on espère qu’elle aura quelques retombées sur terre pour que ce peuple, qui
marche dans les ténèbres, voit enfin se lever une grande lumière. Qu’ils soient
d’Ukraine, du Liban, de Syrie, de Gaza, du Soudan, du Congo ou d’ailleurs, et
de tant de geôles disséminés de par le monde, tous ces habitants de l’ombre
appartiennent à une humanité souffrante. Cette humanité, c’est notre humanité
que Dieu vient partager en cette nuit car « un enfant nous est né, un fils nous a
été donné ! » (Is 9, 5) 
La magie de Noël (comme on dit) éclipsant toujours plus les merveilles du
Seigneur dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains, les lampions de nos
fêtes sécularisées n’altèrent-ils pas cette lumière céleste ? Et l’échange
frénétique de cadeaux ne dissimule-t-il pas ce don si précieux que Dieu nous fait
de son fils ? Tandis qu’une partie de l’humanité souffre violence, l’autre partie
s’étourdit en fêtes aussi éphémères que superficielles. Puissions-nous dans cet
étourdissement, ne pas laisser anesthésier notre cœur et sombrer dans
l’indifférence ! Ne le laissons pas non plus atrophier par de vieilles rancœurs.
Le pape François, et d’autres avec lui, ont parlé de changement d’époque.
Ajoutons d’ébranlement général de la civilisation et de la création. La nature est
ébranlée, la société est ébranlée, l’Église est ébranlée, des familles, des
communautés, des personnes sont ébranlées. Et notre cœur n’est-il pas lui aussi
ébranlé ? Face à tant d’incertitude et de fragilité en ce monde, peut-on encore
célébrer Noël dans la joie ? Or dans son halo de lumière, c’est bien une grande
joie que l’ange annonce aux bergers, que l’ange nous annonce : un Sauveur nous
est né ! Aujourd’hui comme hier, ne désespérons pas de la miséricorde de Dieu.
Dieu tient toujours ses promesses !
Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, saint Paul écrit que le Seigneur lui a
déclaré : « Ma grâce te suffit : car la puissance se déploie dans la faiblesse » (2
Co 12, 9). Et ne venons-nous pas d’entendre ce même Paul dire à Tite que « la

grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes » (Tite 2, 11). Et
de surcroit, qu’« elle nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de
ce monde, et à vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice
et piété, attendant que se réalise la bienheureuse espérance : la manifestation de
la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ » (Tite 2, 12-13). Voilà ce
que les puissants de ce monde ne devraient jamais perdre de vue pour le bien de
l’humanité. Et nous non plus d’ailleurs, et pour les mêmes raisons !
Dans ce monde en rupture, il nous faut trouver un point de passage. Ce point de
passage, c’est Dieu lui-même qui nous l’offre dans la Pâque de son fils, parce
que de l’incarnation à la résurrection il n’y a qu’un pas que Jésus franchit par la
croix. Là est notre salut. Pour nous chrétiens, quel autre fil conducteur pouvons-
nous trouver sinon le Christ qui nous appelle à le suivre, à traverser l’épreuve
avec lui ? Il est le premier à révéler sa force en endossant notre fragilité. Il nous
ouvre la voie. Quant à nous, il ne nous faut pas endosser notre fragilité, mais
l’assumer en nous laissant envahir par la force de ce Dieu qui se révèle « doux et
humble de cœur » (Mt 11, 29). C’est en prenant son « joug aisé et son fardeau
léger » (Mt 11, 30) que nous trouverons la paix, cette paix elle aussi annoncée
par l’ange, et que nous pourrons la rayonner autour de nous comme autant de
retombées de cette lumière venue du ciel.
L’Année Sainte, qui a été ouverte par le pape François il y a quelques heures, a
pour thème l’espérance. « Espère en Dieu, prends cœur et prends courage,
espère en Dieu » chante le psalmiste (Ps 26, 14). Voilà le mot d’ordre ! Et saint
Paul de rappeler que « l’espérance ne déçoit pas parce que l’amour de Dieu a été
répandu dans nos cœurs » (Rm 5, 5). L’espérance ne déçoit pas parce que Dieu
est avec nous. Il nous a rejoint en cette nuit, il nous rejoint en chacune de nos
nuits, pour ne plus nous abandonner. Oui « le peuple qui marchait dans les
ténèbres a vu se lever une grande lumière ». C’est la joie au cœur que nous
continuons d’espérer contre toute espérance !