Frères et soeurs dans le Seigneur,
En ce dimanche avant Noël, la liturgie nous a donné comme première lecture
un long extrait du chapitre 11 de l'épître aux Hébreux. Tout ce chapitre trace
l'histoire de la FOI, à partir d'Abel jusqu'aux martyrs de l'époque des Maccabées.
C'est une exhortation à suivre ces témoins pour qui la foi était tendue vers l'avenir
encore invisible, donc aspirant au salut messianique. Les patriarches et tous les
ancêtres du Christ sont des personnes d'ESPERANCE. On pense à la parole de saint
Paul (Rm 8, 24-25) : Nous avons été sauvés, mais c'est en espérance. Espérer ce que
nous ne voyons pas, c'est l'attendre avec persévérance. C'est pourquoi l'Eglise se
prépare à la célébration de la Nativité, en s'identifiant aux grandes figures de la
première Alliance : les patriarches comme Abraham, les prophètes comme Samuël,
des rois comme David : tous ont vu et salué de loin les promesses de Dieu, aspirant à
une patrie meilleure, céleste (cf. vv. 13.16), ce Royaume des cieux que Jésus Christ
vient révéler au monde comme une nouvelle proximité de Dieu. Présence cachée du
Christ dans toute cette histoire sainte – qui est aussi la nôtre – et que l'on retrouve
dans la Généalogie de saint Matthieu : le Livre des origines de Jésus Christ, fils de
David, fils d'Abraham. Comme le dit saint Léon le Grand : « il (Matthieu) suit l'ordre
des naissances humaines, de façon à conduire la suite des générations jusqu'à
Joseph ».
Propre à l'évangile selon saint Matthieu est donc l'annonce à Joseph, qui fait
pendant à l'annonce faite à Marie, chez saint Luc. Deux points de vues qui
convergent ; nous touchons là la tradition primitive, authentique, comme un sol
ferme. Essayons de comprendre l'initiative de Dieu – déroutant pour nos esprits,
comme pour Joseph et Marie, d'abord !
Matthieu a voulu éclairer les faits dans une intelligence de la foi apostolique. Il
y a deux idées soulignées. D'abord : Jésus vient au monde dans la lignée de David,
répondant ainsi à l'attente de son peuple, illustrée par l'histoire des témoins de la foi.
Puis, Matthieu le fait par l'intermédiaire de JOSEPH, qui adopte Jésus légalement
comme fils.
Jésus vient au monde dans la grande famille d'Abraham et de David et il est le
Messie attendu, c.à.d. l'Elu de Dieu, rempli de l'Esprit pour réaliser sa mission au
milieu des hommes. (cf. Rm 1, 1). C'est le sens de la longue généalogie qui ouvre
l'évangile de Matthieu, qui, d'Abraham descend au roi David et se termine ainsi :
Mathan engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est
né Jésus, que l'on appelle Christ (v. 15c.16). Ce Jésus à naître sera : 'le Seigneur qui
sauve' ; Il libérera son peuple de ses péchés. Une libération qui fait resplendir le
rapport entre Dieu et l'homme, au-delà du peuple de la première Alliance. Le Fils de
Marie est l'Emmanuel : Dieu présent dans l'histoire des humains. On retrouve le
Dieu-avec-nous à la fin de l'évangile de Matthieu, là où le Ressuscité dit : Je suis
avec vous tous les jours, jusqu'à la fin des temps.
Ainsi les prophéties universalistes d'Isaïe et d'autres se réalisent et saint Paul
dira : Si vous appartenez au Christ, c'est donc que vous êtes la descendance
d'Abraham ; selon la promesse vous êtes héritiers (Gal 3, 29).
Le rôle de JOSEPH, qui adopte Jésus légalement comme fils, a été essentiel
pour l'annonce de l'évangile. Joseph fait partie du milieu humain qui accueille le Fils
de Dieu, qui contribue à ce que le Verbe devienne chair dans un peuple, une culture,
une famille humaine. Joseph est un homme juste : accordé à la volonté de Dieu,
cohérent avec sa foi, disposé à entrer avec tout son être dans le dessein de Dieu, ce
mystère de la volonté salvifique de Dieu, dont parle saint Paul (Ep 1). Nous sommes
devenus des justes par la foi ; sur nous aussi repose une attente de la part de Dieu, à
devenir des collaborateurs digne de confiance, qui consacrent leur vie au
rayonnement de l'humanité assumée par le Fils de Dieu. Dieu s'intéresse à nous, en
nous aussi, Il met sa confiance, comme en Joseph. Devenus fils dans le Fils, nous le
rendons présent dans le monde. Mais il est bon que nous accueillions le témoignage
des ancêtres dans la foi (cf. Hé 11), dont Joseph est – après Marie et avec saint Jean
le Précurseur – un sommet. Grâce à Joseph, l'enfant à naître sera légalement rattaché
à la lignée de David. Grâce à lui, en Jésus de Nazareth, on pourra reconnaître le
Christ de Dieu, tel qu'Il était annoncé par Isaïe. Tout cela était d'une importance
capitale pour les membres de la communauté de Matthieu et pour ses premiers
lecteurs, pour la plupart d'origine juive. Nous sousestimons peut-être cette approche.
Mais c'est toujours l'initiative de Dieu qui est ainsi mis au centre. Nous sommes
portés, dit encore saint Paul, par la racine, à savoir l'élection d'Abraham et d'Israël.
Personne ne peut s'enorgueillir, car tout est grâce, don gratuit.
Accueillir cette initiative, continuer à croire que Dieu veut le bien, le salut,
pour notre monde en détresse à divers niveaux, qu'Il nous destine à la gloire éternelle
par son Fils bien-aimé et que son Règne n'aura pas de fin : voilà notre dignité et
notre vocation. Dieu veut agir dans notre vie ; il faut vaincre nos résistances, nos
lenteurs à croire aux promesses divines.
Joseph est accordé désormais à ce que Dieu, par son Esprit, est en train
d'opérer en Marie, son épouse. La discrétion de Joseph n'est pas faiblesse mais
protection du mystère, dans l'émerveillement devant l'irruption inouïe de Dieu dans
la vie humaine et dans la pauvreté du coeur. Nous sommes appelés à rejoindre les
pauvres du Seigneur, tels que Marie, Joseph, Zacharie, Elisabeth, Jean Baptiste, pour
permettre au Christ de renouveler son mystère au milieu de nous, par un sursaut de
foi et d'espérance, dans un dépassement de nous-mêmes pour autant que notre amour
n'est pas encore totalement accordé à celui de Dieu. Sois sans crainte, Marie, car tu
as trouvé grâce auprès de Dieu.