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26e dimanche après la Pentecôte

Les lectures de ce jour nous rappellent qui nous sommes et nous invitent à prendre au
sérieux le sens de notre vie. Le riche n’était pas « insensé » pour avoir voulu construire de
plus grands greniers afin d’y mettre ses récoltes, mais parce qu’il croyait ainsi avoir assuré
l’essentiel de sa vie. Certes, nous sommes sur terre et nous avons le devoir d’y être pour de
bon : il faut donc savoir gérer ses biens, et en particulier prévoir d’éventuels revers de fortune.
La Bible fait en effet l’éloge de Joseph, fils de Jacob qui, sachant qu’il y aurait en Égypte sept
années de disette, avait fait profiter le pays des sept années d’abondance qui les précédaient
pour faire des provisions grâce auxquelles tout le monde pourrait passer la crise. Mais Joseph
ne croyait pas pour autant avoir donné sens à sa vie, il avait simplement exécuté ce que Dieu
lui avait suggéré. Et, comme nous le savons, il n’a nullement profité du pouvoir que sa
clairvoyance lui avait procuré pour se venger de ses frères, qui l’avaient vendu comme
esclave. Au contraire, non seulement il leur a pardonné du fond du coeur, mais encore il a fait
venir sa famille et son peuple en Égypte pour les préserver de la famine, tout en exécutant
aussi fidèlement les dernières volontés de son père Jacob. Il s’agit donc, certes, de gérer le
monde que Dieu a confié à l’humanité comme nous l’apprend la Genèse (Gen 1,28-31), mais
de le faire sans être prisonniers de cette dimension terrestre, qui n’est que passagère car,
comme Dieu l’a dit au riche insensé de la parabole : « cette nuit même on te redemandera ton
âme ». À la suite de la question de Dieu : « et ce que tu as préparé, à qui sera-ce ? », vous me
répondrez sans doute que tout le monde est heureux de laisser à ses enfants, ou à d’autres
bénéficiaires, de quoi les aider à mieux vivre, et ce n’est que justice : c’est bien aussi ce que
nous recommande l’Écriture, qui marque le contraste entre « l’homme de bien » qui laisse un
héritage aux enfants de ses enfants, et « le pécheur », dont les richesses sont réservées aux
justes (Prov 13,22). Mais attention : c’est à lire dans le sens qui revient constamment dans
l’Ancien Testament, équivalant à ce que nous exprimons par le dicton « bien mal acquis ne
profite jamais », à savoir que le juste sera béni de Dieu en toutes ses entreprises, alors que le
méchant finira toujours mal (cf. par ex. Ps 36 [hb 37] ; Job 27,13-23). Car, s’il est normal et
juste de laisser ses biens à ses descendants, il ne faut jamais perdre de vue que les biens
matériels ont été donnés par Dieu en vue d’être à la disposition de tous ceux qui en ont
besoin, et il ne faut jamais oublier la part du pauvre dans la distribution de nos richesses, et en
particulier la dîme, telle que l’A. T. l’a instituée.
Hélas, nous savons qu’il n’en va pas toujours ainsi dans la vie : combien de fois ne voit-
on pas « le méchant prospérer » et « le juste frappé par le malheur ? ». La Bible nous révèle,
justement, que le fidèle en a progressivement pris conscience, comme on le voit par ex. au Ps
72 [hb 73], 12-17: « Ainsi sont les méchants: Toujours heureux, ils accroissent leurs
richesses. C'est donc en vain que j'ai purifié mon coeur, Et que j'ai lavé mes mains dans
l’innocence. Chaque jour je suis frappé, Tous les matins mon châtiment est là. Si je disais: Je
veux parler comme eux, Voici, je trahirais la race de tes enfants. Quand j'ai réfléchi là-dessus
pour m'éclairer, La difficulté fut grande à mes yeux, Jusqu'à ce que j'eusse pénétré dans les
sanctuaires de Dieu, Et que j'eusse pris garde au sort final des méchants. » Car l’homme
religieux a fini par comprendre que, comme le dit bien l’évangile de ce jour : « Ainsi en est-il
de celui qui amasse des trésors pour lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu » (Lc 12,21).
Les richesses auxquelles Dieu nous a donné accès – à tous, riches ou pauvres que nous
soyons, sont infiniment plus grandes et, surtout, impérissables !
Car, si nous ne disposons pas tous de richesses matérielles, nous avons tous reçu, par le

baptême, l’accès à des richesses infinies, sur lesquelles l’épître de Paul a attiré l’attention :
« Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur : marchez
donc comme des enfants de lumière. Le fruit de la lumière consiste en toute sorte de bonté, de
justice et de vérité. … Remplissez-vous du Saint Esprit… » Autrement dit : nous qui avons la
chance de savoir que Dieu a fait de nous ses enfants dans le Christ et par Lui, conduisons-
nous de la manière qu’Il nous a enseignée en nous donnant Lui-même l’exemple. Aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés (Jn 13,34). Comme nous le rappelions dimanche
dernier, Jésus nous a prescrit d’aimer même nos ennemis : « aimez vos ennemis, faites du
bien, et prêtez sans rien espérer. Et votre récompense sera grande, et vous serez fils du Très-
Haut, car Il est bon pour les ingrats et pour les méchants » (Lc 6,35). Et c’est à coup sûr là le
plus grand et le meilleur héritage que nous pouvons laisser aux autres, à commencer par nos
descendants : une conduite digne des enfants de Dieu. Certes, il n’est pas dit qu’ils suivront
nos pas, car ils sont libres, et de toute façon l’histoire montre que chaque génération a sa
propre manière d’interpréter et de mettre en pratique le message de Dieu. Nous n’avons pas à
interférer dans le dialogue que Dieu mène avec chaque personne,, fût-ce nos propres enfants,
mais nous pouvons et nous devons soutenir tous ceux qui nous entourent, à commencer bien
sûr par notre propre famille, par notre exemple et surtout par la force de notre foi. En fait, un
peu plus loin que le passage d’évangile que nous avons lu aujourd’hui se trouve une maxime
que nous pouvons tous faire nôtre et chercher à mettre en pratique : « Là où est votre trésor, là
aussi sera votre coeur » (Lc 12,34). Quel est donc notre trésor ? Où est-il ? À chacun d’y
répondre…