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9e dimanche après la Pentecôte

Dans l’épître de ce dimanche, S. Paul touche une question que nous nous posons tous, et qui
est même souvent à la racine même de la recherche religieuse : qu’adviendra-t-il de nous après
notre mort ? quel peut être le rapport entre notre vie terrestre et l’au-delà, puisque l’être humain
s’est toujours refusé instinctivement à penser que la mort terrestre signifierait le retour au néant,
comme on le voit dans le comportement de toute l’humanité depuis la préhistoire. Ce n’est que
bien longtemps après, sous l’influence d’un certain type de philosophie matérialiste, que l’on a
commencé à considérer notre vie terrestre comme un chemin sans issue, et que notre personne se
limitait à la matière qui la compose.
Certes, l’Ancien Testament fourmille de comparaison assimilant la vie humaine à un souffle
(Ps 39,5 et 144,4), à une ombre (Ps 102,11 et 109,23; Job 8,9 et 14,2), à l’herbe des champs qui
passe et disparaît (Ps 103,15s); et même l’épître de Jacques, dans le Nouveau Testament, nous dit
: « Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps, et qui ensuite disparaît » (Jc 4,14). Mais
en même temps, il y a toujours cette attente d’une existence sans limites, différente de celle que
nous menons sur terre, et que nous recevons de Dieu, qui est admirablement exprimée dans le livre
de Job : « Mais je sais que mon rédempteur est vivant, Et qu'il se lèvera le dernier sur la terre.
Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. Celui que je verrai sera
pour moi, celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger » (Job 19,25-27).
Mais c’est bien sûr dans le quatrième évangile que cette promesse est la plus claire, et il est
clair aussi que c’est par Jésus-Christ et en Lui que cette promesse se réalise : « Dieu a tant aimé le
monde qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais ait la vie
éternelle » (Jn 3,16); et dans la 1e épître johannique : « Le monde passe, sa convoitise aussi, mais
celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement » (1 Jn 2,17), ou encore « Dieu nous a
donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils » (1 Jn 5,11), une vision bien explicitée à la fin
de l’Apocalypse: « Voici le tabernacle de Dieu parmi les hommes! Il habitera avec eux, ils seront
son peuple et Dieu lui-même sera avec eux, il sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux,
la mort ne sera plus et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car ce qui existait avant a disparu
» (Rev 21,3s). Une conviction absolue fortement partagée par saint Paul : « Le salaire du péché,
c'est la mort, mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur »
(Rom 6,23).
La vie éternelle, c’est donc bien une réalité, mais une réalité bien différente de la vie
matérielle que nous menons ici-bas. C’est une autre vie, mais cette autre existence n’est pas sans
rapport avec notre vie quotidienne ici-bas, bien au contraire. Dans l’épître de ce jour, saint Paul
cherche à l’expliquer en comparant notre manière de vivre ici-bas à celle d’un bâtisseur qui
emploierait différentes matières, « de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, de
la paille », et le jugement de Dieu qui fera justice à notre vie terrestre à un feu chargé d’éprouver
la qualité de la construction : « ce feu éprouvera la qualité de l'oeuvre de chacun », et « Si l'oeuvre
bâtie sur le fondement subsiste, l'ouvrier recevra une récompense; si son oeuvre est consumée, il
en subira la perte; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu ». Qu’est-ce à dire? Eh
bien, cela me paraît simple : disons que c’est comme dans la vie humaine, que nous connaissons
bien : si un enfant se laisse éduquer correctement, s’il apprend bien son métier et surtout s’il
apprend les valeurs de la vie humaine, il peut dès ce moment et encore plus quand il sera adulte,
apporter une vraie contribution à la vie de l’humanité, en fonction de ses moyens à lui, certes, mais
une contribution qui demeure, que ce soit dans sa famille, l’éducation de ses propres enfants, son
travail, l’aide apportée à autrui... Si, en revanche, un enfant est rebelle à toute formation, il y a de
grandes chances qu’il « finisse mal », comme on le dit, qu’il soit un poids pour la société et ne

laisse aucun regret à sa disparition. Jusque là, nous pouvons suivre saint Paul sans difficulté. Mais
Paul ajoute encore : « quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu ».
Cela veut-il dire que, en quelque sorte, nous serons sauvés presque malgré nous? Je ne le
pense pas, car Dieu ne peut pas nous sauver malgré nous : Il s’est obligé à respecter entièrement
notre liberé, ce qui implique aussi la liberté de refuser de se laisser aimer par Lui. Mais notre liberté
d’accepter ou non l’amour que Dieu nous porte ne limite en rien a liberté de Dieu de nous aimer et
de désirer que nous Lui répondions librement. Quelque part, c’est bien cela que signifie la phrase
de Paul : « Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en
vous? » et encore « Car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous ». Autrement dit, Dieu
a un tel amour de chacune de ses créatures qu’Il ne peut que souhaiter ardemment « demeurer en
nous », que chacun de nous accepte librement d’« être sa demeure ». Mais il y a à cela une
condition, que Paul avait énoncée au début de l’épître : « De fondement, nul n'en peut poser d'autre
que celui qui s'y trouve, c'est-à-dire Jésus Christ ». Autrement dit, il n’est pas possible de vivre en
communion éternelle avec Dieu sans s’attacher à Jésus-Christ, c’est-à-dire non seulement « croire
en Lui », mais Le suivre, faire de son mieux pour vivre comme Jésus nous l’a enseigné. Certes,
nous avons tous des faiblesses, nous sommes tous pécheurs, nous le savons, mais Jésus-Christ a
donné sa vie pour nous sauver... à condition que nous l’acceptions. Et il ne s’agit pas de l’accepter
seulement en paroles, mais de le faire en actes, de s’engager effectivement, par sa conduite de tous
les jours, à marcher dans les pas de Jésus, à prendre sa croix et Le suivre, car suivre Jésus n’est pas
une simple question de mots, mais suppose l’engagement de toute une vie.
Et l’évangile de ce jour nous le montre de manière bien réaliste : Jésus marche sur les eaux,

les apôtres sont effrayés (et on les comprend !), Pierre lui dit : « Seigneur, si c'est bien toi, donne-
moi l'ordre de venir à toi sur les eaux » ; Jésus l’appelle, et Pierre se met, lui aussi, à marcher sur

les eaux... jusqu’au moment où, au lieu de regarder Jésus et de ne compter que sur Lui, il prend
conscience du danger – autrement dit, il commence alors à ne plus compter que sur ses propres
capacités, qui sont évidemment bien impuissantes de lui permettre de marcher sur l’eau, et à ce
moment il coule. Mais heureusement pour lui, il a le seul bon réflexe possible : il appelle Jésus à
son secours, et Jésus le tire de là.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous aujourd’hui ? Eh bien, que comme Pierre, comme tous
les apôtres, comme tous les saints et tous les chrétiens qui nous ont précédés, notre seule possibilité

d’entrer dans la vie éternelle et la communion éternelle avec Dieu, c’est de tout miser sur Jésus-
Christ : non seulement de croire en Lui en paroles, mais de faire de notre mieux pour « faire ses

oeuvres », c’est-à-dire pour agir de la manière que Jésus nous a enseignée. Et de ne jamais
désespérer si cela nous est difficile, si nous avons des faiblesses et qu’il nous arrive de « construire
avec de la paille », pour reprendre les mots de saint Paul, car Dieu ne laisse jamais tomber ceux
qui se confient en Lui, pour autant justement qu’ils se confient en Lui, qu’ils veuillent être « le
temple de Dieu » et qu’ils Lui fassent confiance. Alors oui, nous serons attendus dans la vie
éternelle, car Dieu n’attend rien autant que de nous réunir tous auprès de Lui, pour une vie qui sera
certes toute différente de la vie matérielle que nous menons sur terre, mais qui pourra se résumer
dans les paroles prononcées par Jésus lors de la Dernière Cène : « La vie éternelle, c'est qu'ils te
connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jn 17,3). Comme
Pierre, nous pourrons marcher sur les eaux, non pas les eaux matérielles du lac de Gennésareth,
mais les eaux troubles de la vie terrestre afin de rejoindre Jésus pour l’éternité !