La lecture de l'évangile nous a raconté une histoire de la vie de Jésus. Il s'agit de la guérison d'un aveugle. Les évangiles synoptiques : Matthieu, Marc et Luc ont fait le récit de plusieurs guérisons, mais aucun ressemble aux récit de S. Jean., cela veut dire : les guérissons qui sont référées spécialement chez lui ont toujours une signification spirituelle et veulent donc nous enseigner plus que seulement faire connaître la qualité de médecin de Jésus mais comme S. Jean nous dit à l:a fin de son évangile, ceux-là (les miracles-les signes) I ‘ont été pour que vous croyez que Jésus est le Christ et qu'en croyant vous ayez la vie en son Nom. (Jean 2U,30) Déjà le commencement de notre récit tire notre attention. En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. En passant : Cela rappelle le passage du seigneur dans la nuit de la libération du peuple de Dieu en Egypte de l’esclavage. (Exode 12 ,11) Et puis en passant, Jésus « voit ». « Voir » rappelle que Dieu a vu la misère du peuple comme nous dit le livre de l’Exode : « J’ai vu, j'ai vu la misère de mon peuple, j'ai entendu sa clameur ». Qui Jésus continue de faire l’œuvre de son Père. Dans l'évangile de Jean, il y a plusieurs niveaux de sens, le sens premier littéral est celui de la guérison physique. Dans cette guérison physique se manifeste I’amour infini, la compassion, la miséricorde de Jésus qui ne passe pas indifférent auprès des souffrances humaines. Cette guérison physique doit, tout d'abord, être prise à la lettre, comme un signe de la miséricorde constante de Dieu et de Jésus vis-à-vis des hommes. Mais à vrai dire notre récit est moins le récit d'une guérison que celui d'une interminable procédure d'interrogatoire : « Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? Comment se fait-il que tu voies ? Comment a-t-il fait pour t'ouvrir les yeux ? », Aucune de ces questions, indéfiniment répétées, n'est une vraie question, car aucune n'attend de réponse. La réponse, elle est programmée d'avance par ceux qui savent et qui n'ont donc rien à attendre, rien à apprendre, surtout pas d'un misérable mendiant de quartier. » En fait ils sont aveugles. « Nous savons, nous » disent sans arrêt les pharisiens, nous savons et nous voulons que tu nous dises exactement ce que nous savons. Le mendiant lui, est un ignorant. Mais il y a une chose qu'il sait, et cette chose est tellement simple, tellement vraie qu'il ne peut la taire ni la dissimuler: « J’étais aveugle et maintenant je vois ». Oui, il voit maintenant, il voit clair et il voit loin, plus loin que tous les autres. On dirait même que ses yeux continuent de s'ouvrir à mesure qu'il répond aux fausses questions, aux questions pièges de ses accusateurs. Le regard qu'il porte sur le mystérieux personnage qui I’a guéri et qui, pourtant, a disparu, ce regard, ce témoignage, se fait de plus en plus profond, de plus en plus croyant. Au début, il se contente de parler, comme tout le monde, de « I’homme qu'on appelle Jésus », puis, quand on lui demande son opinion personnelle sur cet homme, il affirme sans la moindre hésitation : « C'est un prophète ». À la fin, il est devenu capable, lui, le mendiant inculte, d’entrer dans le jeu subtil des pharisiens, de ceux qui savent, et il s'amuse, avec une facilité déconcertante, à retourner à leurs dépens leurs propres arguments : « Comme chacun sait, dit-il en les imitant, Dieu n'exauce pas les pécheurs ... Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » Quel progrès dans la vision, quel affinement du regard ! Aux yeux toujours plus ouverts de l’ancien aveugle, « I'homme qu'on appelle Jésus »est devenu « l’homme qui vient de Dieu ; Jésus avec les yeux de l’ancien aveugle, c'est déjà beaucoup pour certains, c’est déjà trop pour d'autres, et pourtant, mes frères et soeurs, ce n'est pas assez ! Il reste un pas à faire si nous voulons, non plus seulement regarder Jésus de l’extérieur, non plus seulement nous approcher de lui par admiration, respect ou sympathie, mais entrer pour de bon dans l’intimité de sa personne et communier au don de sa vie. C'est le pas de la foi. Mais ce pas, nous ne pouvons pas l’accomplir tout seuls, de notre propre mouvement. Alors, c'est Jésus lui-même qui fait le pas, c'est lui qui vient nous trouver comme il est allé trouver l’aveugle qu'il avait guéri, et c'est lui qui nous pose la seule vraie question, la seule qui ne soit pas piégée, la seule qui demande une vraie réponse : « Crois-tu au Fils de l’homme ? » Contrairement aux pharisiens qui prétendent exercer une pression, une contrainte morale et peut-être physique sur celui qu'ils interrogent en lui disant : « Rends gloire à Dieu ! », contrairement à tous ces gens qui abusent de leur autorité, Jésus ne force pas le mendiant à croire en lui. Il ne lui rappelle même pas sa guérison, comme un créancier qui présenterait la note à son débiteur et lui dirait : je t'ai guéri, tu es maintenant mon obligé, tu me dois reconnaissance éternelle, obéissance absolue et adhésion totale. Non, Jésus ne rend pas la vue pour réclamer ensuite une foi aveugle ! La foi, frères et sœurs, n'est jamais aveugle et elle n'est jamais forcée, elle surgit bien plutôt d'une rencontre singulière et d'un libre dialogue avec le Christ, qui se tient là, au détour du chemin, attendant patiemment notre réponse. Quelle immense et redoutable liberté nous avons ! Liberté de ne pas voir Jésus, de ne pas le regarder, liberté de l’ignorer ou de l'écarter, liberté de lui dire non ou de ne jamais lui répondre. Mais nous avons une liberté plus grande encore, celle de nous tourner vers lui et de l’interroger : « Et qui est-il, ce Fils de l’homme, pour que je croie en lui ? ». Oui, nous avons même cette insolente liberté de faire attendre le Seigneur, de différer notre réponse, pour qu'il nous laisse au moins le temps de faire sa connaissance, de savoir un peu mieux qui il est, le temps de dilater notre petit esprit, d'accommoder notre vue si faible à sa lumière si forte, le temps d'ouvrir nos oreilles bouchées et notre cœur trop resserré au souffle large de sa parole : « Tu le vois, c'est lui qui te parle ». Alors, vient l’acte de la foi, acte libre, acte profondément humain et cependant tout inspiré par Dieu : « Je crois, seigneur, je crois ». Fléchir le genou, se prosterner devant Jésus et l’adorer, comme le fit l’aveugle-né à ce moment précis, ce n'est pas retomber en esclavage, non c'est devenir enfants de Dieu avec le Fils de l’homme, et proclamer partout, dans la lumière, qu'il est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père.
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