Frères et soeurs dans le Seigneur,
A un chercheur de sens qui demanderait où trouver un aperçu de la vision chrétienne de l'existence humaine et de l'histoire, il serait très à propos d'inviter à assister à la vigile pascale. Elle est anticipée par les vêpres du Samedi Saint avec ses nombreuses lectures comme à la veillée pascale du rite latin.
A la lumière du Christ Ressuscité nous avons relu toute l'histoire du salut – dans ses phases principales – comme un chemin qui va de la création à la nouveauté de la Résurrection.
La création du monde, c'est une oeuvre permanente, c'est Dieu qui donne la vie. La vie est don. Nous ne sommes pas à l'origine de notre vie. L'émerveillement et la gratitude sont le début du chemin spirituel, de la vie de foi. Dignité de l'homme, créé à l'image de Dieu : sa liberté, son intelligence, sa volonté et sa mémoire, cette faculté de se souvenir des bienfaits de Dieu. Dans la liturgie – comme dans la Bible – on fait mémoire des interventions divines, et ainsi, on rend présent l'agir de Dieu en faveur de l'humain. Fragilité de l'homme, péché de l'homme. Nous en avons pris conscience, tout au long de ce Carême, en contemplant ses derniers jours le Christ Crucifié, puissance et sagesse de Dieu, dit saint Paul. Nous avons médité sur la fidélité de Dieu à son Alliance. C'est cela la justice : une oeuvre de grâce. Dieu appelle Abraham. Le sacrifice d'Isaac est figure du sacrifice de l'Agneau véritable, le Christ. C'est ainsi que l'interprète l'épître aux Hébreux (11, 17-19) : Par la foi, Abraham, mis à l'épreuve, a offert Isaac ; il offrait le fils unique, alors qu'il avait reçu les promesses et qu'on lui avait dit : « C'est par Isaac qu'une descendance te sera assurée ». Même un mort, se disait-il, Dieu est capable de le ressusciter ; aussi, dans une sorte de préfiguration, il retrouva son fils. Dieu est fidèle à son Alliance. Il va la rendre nouvelle et éternelle.
Nous avons lu le récit épique de la sortie d'Egypte. Historiquement tout s'est passé sans doute plus modestement. Mais l'expérience du peuple d'Israël est là : conscience d'avoir été libéré de l'esclavage. Qu'est-ce que la liberté, sinon une terre promise à conquérir dans un combat contre les forces hostiles à toute véritable humanité ? Et qu'est-ce que la victoire du Christ nous promet sinon la liberté glorieuse des enfants de Dieu, à laquelle nous aspirons ? Comment réussir à devenir des êtres humains libres pour aimer comme le Christ en réponse à son amour ? C'est là toute la question que la célébration du mystère pascal nous pose. N'opposons pas ce que Dieu a uni dans la Révélation, à savoir libération intérieure, celle du coeur et libération extérieure de toute injustice qui opprime l'humain. C'est le message constant des prophètes et des saints.
Nous avons entendu Isaïe annonçant le repos de l'Esprit du Seigneur sur le Messie et les siens, appelés prêtres du Seigneur, aptes à la louange, au lieu du désespoir. N'entendions-nous pas un écho de cette capacité de louange, dans le Cantique du livre de Daniel, là où l'exil devient aspiration à une vie nouvelle ? On aurait pu lire la prophétie de Jérémie sur la nouvelle alliance. Ou encore – comme on fait en Occident – Ezéchiel. Dieu sanctifiera son saint Nom parmi les nations. Une eau pure – celle du baptême, assumée consciemment – nous donne un coeur nouveau, rempli de l'Esprit du Seigneur. Promesse d'une Alliance nouvelle et éternelle. Dieu se lie à son peuple, le peuple immense de ceux qui le cherchent au-delà des divergences entre nations et cultures. Désormais tout le terreau humain pourra servir pour la plante de la parole de Dieu qui sauve.
La créature retrouve sa beauté en Christ. L'enfant de Dieu naît du baptême. Saint Paul en donne une catéchèse de fond aux Romains. Etre unis au Christ Ressuscité. Mourir avec Lui au péché. Symboliquement, rituellement, en descendant dans l'eau et avoir part à la victoire de Jésus sur la mort. Etre des vivants pour Dieu en Jésus-Christ. Mener une vie nouvelle. En principe, en germe, tout est déjà donné dans le sacrement du baptême : la lumière du Christ – symbolisée en Occident par le cierge pascal – illumine notre vie du début à la fin. Plus de condamnation. Rédemption. En même temps, c'est à réaliser chaque jour. Car nous retombons dans nos égoïsmes, nous n'aimons pas en vérité. Or, quotidiennement nous pouvons nous décider pour la nouveauté du Christ Ressuscité, vivre avec Lui, nous laisser transformer par Lui, lui confier nos difficultés, nos combats. Faire le passage de l'obscurité de la mort à la lumière de la vie.
Tout culmine dans l'annonce de la Pâques. Vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n'est pas ici, Il est ressuscité. Le tombeau vide ne prouve rien, mais c'est tout de même un signe important pour les croyants, pour les chercheurs de Dieu. C'est désormais le Vivant qui nous cherche ! C'est Lui qui guide la barque de notre vie.
Frères et soeurs, les merveilles de cette création nouvelle qu'est la Résurrection du Christ sont en permanence accessibles pour nous. Comment ? Par la liturgie de l'Eglise, avec les sacrements, bien sûr, et par la lecture méditative de l'Ecriture qui nous aide à nous réaliser que c'est Aujourd'hui la sortie de l'Egypte de notre esclavage, de notre peur, c'est Aujourd'hui le coeur nouveau au lieu du coeur indifférent de pierre. C'est Maintenant que les saints intercèdent pour nous afin que nous retrouvions l'élan de nouveaux baptisés. C'est dans l'Aujourd'hui de la Pâques que l'énergie est donnée pour transformer le monde, en préparation du Royaume de Dieu. Le Christ agit désormais le coeur des hommes par la puissance de son Esprit. Il y suscite autant le désir du monde futur – le ciel de gloire – que celui d'une amélioration des conditions de vie des humains sur terre (cf. G&S 37.38). Le Christ Ressuscité offre à l'homme lumière et force pour répondre à sa vocation, car le Christ s'est uni de façon mystérieuse à chaque être humain, dans son mystère pascal de mort et de résurrection. Toutefois, connaître explicitement Celui qui nous fait vivre éternellement devrait nous remplir de gratitude et de joie ainsi que du désir de faire connaître le Christ Jésus et son Evangile, Lui qui est avec nous, tous les jours. Amen.