Categories

Rameaux 2022

Jésus arrive à Jérusalem, et il n’y arrive pas seul. Il est suivi par la foule de ses disciples : les Douze certainement, peut-être aussi les soixante-douze qu’il a naguère envoyés en mission deux par deux, et d’autres encore qui les ont suivis depuis la Galilée ou se sont joints à eux en chemin. Ce chemin sur lequel Jésus s’est engagé résolument (cfr Lc 9, 51), rien ne l’en détournera avant que « tout soit accompli » (Jn 19, 30). Et le voici à proximité de la ville, dans ce village de Béthanie, dont le nom évoque l’amitié et l’hospitalité qu’il y a toujours trouvées. Et là, il envoie de nouveau deux disciples en mission, une mission bien étrange à vrai dire : lui amener un ânon que personne n’a jamais monté. Luc insiste sur le caractère quasi sacré de l’animal, vu l’usage que l’on va en faire (cfr Nb 19, 2 ; 1 S 6, 7) : porter le Seigneur, le Christ, celui qui a reçu l’onction.

En des termes empruntés au sacre de Salomon (1 R 1, 33,38, 40), Luc décrit ce qui apparaît comme l’investiture royale de Jésus. Les quatre évangélistes s’entendent pour souligner le caractère humble et pacifique de la royauté de celui qui s’est dit lui-même « doux et humble de cœur » (Mt 11, 29). De Béthanie, Jésus s’avance désormais vers Jérusalem suivi et précédé par une foule remplie de joie et louant Dieu, en disant : « Béni soit celui qui vient, le Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ! » (Lc 19, 38).  Béthanie, ultime étape, avant l’inhospitalière Jérusalem qui tue les prophètes et ceux qui lui sont envoyés. Il est significatif que de Jérusalem, personne ne vienne au-devant de Jésus pour l’accueillir, si ce n’est peut-être une poignée de pharisiens qui le prient de faire taire ses disciples et s’entendent répondre que s’ils se taisent, les pierres prendront le relai. N’est-ce pas le Roi de la création qui s’avance ?!

Si la foule est en liesse, Jésus, lui, sait combien l’heure est grave. Trois fois en cours de route, il a annoncé sa passion. Et soudain, la mention de la descente du Mont des Oliviers, autre lieu lourd de sens, dont le nom évoque le jardin de l’agonie, mais aussi la venue de Dieu à la fin des temps, la mention de cette descente semble refléter la destinée de Jésus, « lui qui, de condition divine, n’a pas retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais s’est anéanti lui-même, prenant la condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes … s’est fait obéissant jusqu’à la mort et la mort sur une croix ! » (Ph 2, 6-8).

Et à la vue de Jérusalem, Jésus pleure : « Ah ! si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! Mais non, il est demeuré caché à tes yeux » (Lc 19, 41). Jérusalem, image de cette humanité sourde aux appels de Dieu et qui, en maints endroits du monde, s’obstine encore à refuser la paix qui lui est donnée, et vilipende ses artisans. Le Verbe qui est Dieu, le Verbe, qui s’est fait chair, est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu, nous dit saint Jean (Jn 1, 1-18). Telle est l’arrivée de Jésus à Jérusalem, telle est sa venue dans le monde. Et qu’en est-il de notre cœur ? Sommes-nous prêts à recevoir cette paix que Dieu nous offre ? Sommes-nous prêts à faire la paix entre nous pour travailler à l’extension du Règne de Dieu ?

Jésus arrive à Jérusalem, et il n’y arrive pas seul. Il y vient avec la foule de ses disciples. Et ses disciples aujourd’hui, c’est nous ! Nous le suivons, l’entourons et le célébrons comme notre Roi et notre Seigneur … Puissions-nous le suivre jusqu’au bout, sans le renier, sans nous dérober à l’heure cruciale de la Croix, mais en nous laissant dépouiller de nos illusions, de nos rêves de domination qui se déclinent de tant de façons à tous les niveaux de la société et de l’Église, et se partagent bien souvent notre cœur ; puissions-nous suivre Jésus aux heures sombres de sa passion, pour nous retrouver avec lui à l’aube radieuse de sa résurrection.