« Et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez » (Ml 3, 1). Nous voici à la Théophanie du 40e jour car c’est bien de Théophanie qu’il s’agit, puisque comme jadis la nuée lumineuse, la gloire du Seigneur, que le vieillard Syméon identifie à l’Enfant Jésus, vient aujourd’hui dans son Temple. Surprenante Théophanie qui n’a rien de l’ampleur des théophanies antiques qu’elle évoque, mais les dépasse du simple fait de sa sobriété. Cette Théophanie se situe dans le prolongement des précédentes manifestations divines que nous avons célébrées à Noël et à l’Épiphanie, et célèbre, tout comme elles, l’adventus, la venue du Sauveur. Ce sont là des instants de lumière, qui sont comme autant de relais, pour « le peuple qui marchait dans les ténèbres » (Is 9,1). Et le Cantique de Syméon semble tous les récapituler en chantant le Messie « lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël son peuple » (Lc 2, 32). On y retrouve tout à la fois le message des anges annonçant aux bergers une grande joie pour tout le peuple, « la naissance d’un Sauveur qui est le Christ Seigneur » (Lc 2, 10-11) et le salut accordé à tous les peuples préfigurés par les mages venus d’Orient, à la vue d’une étoile, pour adorer le roi des Juifs qui vient de naître (Mt 2, 2).
Cette fête à laquelle l’Église d’Orient a gardé son appellation la plus ancienne Hypapante, « Rencontre », célèbre la rencontre du Seigneur avec son peuple en la personne du vieillard Syméon et de la prophétesse Anne. C’est là l’aspect essentiel du mystère de ce jour : une nouvelle fois, Dieu vient au-devant de son peuple, et une nouvelle fois, il y vient de façon inattendue, sous le voile de la Loi qu’il accomplit et de la chair qu’il assume.
Rappelons-nous qu’au désert, et longtemps encore à Jérusalem, la demeure du Seigneur fut une tente qui était dite « Tente de la Rencontre » puisque le Seigneur dont la Présence habitait la nuée lumineuse venait y rencontrer son peuple en la personne de Moïse. Aujourd’hui, c’est dans le Fils en qui le Père a mis tout son amour que le Seigneur rencontre son peuple en la personne de Syméon et Anne. « Le Verbe était la lumière véritable qui éclaire tout homme, nous dit encore saint Jean, et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jn 1, 9.14 a) Il a habité parmi nous, littéralement : Il a dressé sa tente parmi nous ! Image combien suggestive d’un Dieu qui se fait toujours plus proche, au point que Syméon le reçoit dans ses bras des mains de la Vierge Marie. Et l’évangéliste Jean de poursuivre : « et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14 b).
Rappelons-nous aussi que le corps du Seigneur Jésus est le nouveau Temple (Jn 2, 21) et que, comme le dit saint Paul, « en Lui habite corporellement la plénitude de la Divinité », plénitude à laquelle nous sommes associés dans le Christ (Col 2, 9-10) puisque « ensevelis avec lui lors du baptême, nous sommes aussi ressuscités avec lui, parce que nous avons cru en la force de Dieu qui l’a ressuscité des morts » (cfr Col 2, 12). Et en lui, le Christ, que Syméon prophétise être une occasion de chute et de relèvement pour beaucoup en Israël, Dieu nous a fait revivre nous qui étions morts du fait de nos fautes (cfr Col 2, 13).
Quand Dieu se manifeste, c’est pour délivrer son peuple de l’adversaire quel qu’il soit, c’est pour consoler son peuple de ses peines, c’est pour faire alliance avec lui, c’est pour lui donner le salut promis et recherché.
« Et soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez » (Ml 3, 1). Soudain, maintenant, aujourd’hui … autant de termes qui expriment l’instant présent du salut qui nous est donné, le moment favorable où Dieu exauce et secourt son peuple (cfr Is 49, 8), se hâte de nous secourir et de nous venir en aide. « Le voici maintenant le moment favorable, le voici maintenant le jour du salut » (2 Co 6, 2). Allons donc à la rencontre de Celui qui vient au-devant de nous et nous entraîne à sa suite ! Et comme nous y exhorte saint Benoît paraphrasant l’évangéliste Jean (12, 35) au Prologue de sa Règle : Courons tant que nous avons la lumière !