En ce Samedi Saint, notre communauté partage l'épreuve de tant de malades et de leur famille . Même si la maladie nous empêche de célébrer tous les Offices liturgiques des jours saints, notre sympathie et notre prière rejoignent ceux et celles qui se sentent enveloppés par "l'ombre de la mort" (Lc 1, 79). L'Eglise, en ce jour si particulier du Samedi Saint, médite le mystère de la mort, celle du Seigneur Jésus et la nôtre. Elle en parle poétiquement, en images tirées des Saintes Ecritures. Mais comment pourrait-il en être autrement?
Une des deux icônes traditionnelles de la résurrection du Christ le montre faisant irruption au Schéol ou l'Hadès, brisant portes et verrous de l'enfer, et arrachant Adam et Eve de "l'ombre de la mort".
Essayons, si possible, de lever un coin du voile du mystère, et écoutons pour cela un des thrènes des femmes myrophores, les amies de Jésus, chantés au cours des Matines de ce jour. "Tu es descendu sur la terre pour sauver Adam, et tu ne l'as pas trouvé, Seigneur, sur la terre. Alors tu es descendu le chercher dans les enfers" (enkomia, 1ère stasis). Saint Ephrem le Syrien, quant à lui, compare la descente du Seigneur à la plongée en apnée des pêcheurs de perles. "Comme un chercheur de perles tu as plongé dans les enfers pour chercher ton image engloutie par la mort. Tel un pauvre et misérable tu es descendu et exploré l'abîme de la mort. Ta miséricorde a triomphé, parce que tu as reconduit Adam à la bergerie (cf. Lc 15, 3-7; liturgie syriaque)". Car, commente encore la poésie liturgique: le diable croyait avaler un mortel en avalant le Vivant, et a dû vomir tous les mortels engloutis (cf. Mt 27, 51-53).
Le Seigneur Jésus n'a pas trouvé l'homme sur la terre. Il est descendu alors dans l'enfer de notre misère. Est-ce que cela ne nous rappelle pas une autre scène racontée tout au début de la Bible? Le Seigneur Dieu cherche Adam et Eve au paradis après leur désobéissance à son précepte. "Alors ils entendirent le Seigneur Dieu qui parcourait le paradis à la brise du soir. L'homme et la femme allèrent se cacher parmi les arbres du jardin pour ne pas être vus par le Seigneur Dieu. Le Seigneur Dieu appela l'homme. Il lui dit: Où es tu?" (Gn 3, 8-9).
La résurrection du Christ est le début est de la création nouvelle grâce à la Croix, "par laquelle le Seigneur est descendu aux enfers" (anaphore de s.Basile le Grand), nos enfers. c'est dans cet enfer que retentit de nouveau la voix du Vivant: "Humain, où es tu?" Au paradis Adam et Eve ont répondu avec angoisse. Ils se cachent d'abord. Ensuite Adam donne la faute à Eve et Eve au serpent. L'enfer est pavé de bonnes intentions!
Mais lorsque Jésus, le Vivant, vient maintenant les chercher, eux "qui gisent dans l'ombre de la mort", ils peuvent répondre en exultant de joie: "nous voici". L'humain peut désormais répondre avec joie à la voix du Fils de l'homme, Jésus son frère aîné.
C'est ce que le Seigneur Jésus enseigne dans l'évangile de s. Jean. "Amen, amen, je vous le dis, l'heure vient, c'est maintenant, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui l'auront entendu vivront. En effet, tout comme le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même, et il lui a donné le pouvoir de faire le jugement parce qu'il est le Fils de l'homme..." Jn 5, 25-29).
Nous pouvons apprendre dès cette vie mortelle à écouter cette voix du Seigneur. Elle est proclamée à nos oreilles pendant les célébrations liturgiques. L'Esprit Saint la murmure aussi à notre coeur dans notre prière personnelle: "Aujourd'hui, si vous entendez sa voix, n'endurcissez pas votre coeur..." Ps 94, 7-11).
La voix du Seigneur Jésus appelle et appellera chacune et chacun par son nom: Où es tu? Ce sera, me semble-t-il comme le jour de la Pentecôte. Chacun entendit la Bonne Nouvelle de la résurrection dans sa propre langue. Chacun entendra la voix du Bon Pasteur l'appelant par son nom. Cette voie nous réveillera pour la vie éternelle.
Le Samedi Saint, frères et soeurs, nous célébrons la descente du Seigneur Jésus dans notre mort, dans les prisons que nous nous construisons nous-mêmes. Sa voix nous invite à venir à lui, le miséricordieux. C'est donc un jour d'espérance. Il nous donne un avant-goût de la joie que personne ne pourra nous ravir, "être avec le Seigneur" (Phil 1, 23). Amen
