1. Les ébénistes et leur formation.
Les sculptures et la statuaire sont faites par des artisans extrêmement talentueux, ouvriers issus de l’industrie du meuble du siècle dernier. Des jeunes hommes de 14 ans débutaient alors leur formation comme apprentis dans un atelier de meubles. Ils travaillaient 6 jours par semaine, environ 60 heures, fréquentaient les cours du soir et les meilleurs d’entr’eux l’école du dimanche. Une situation pareille est aujourd’hui impensable avec pour triste résultat que des travaux de telle qualité ne sont plus réalisables. A l’époque, grâce à la grande demande de travail, chacun pouvait se spécialiser. Ainsi il y avait les ornementistes, les fleuristes, les animalistes et les meilleurs figuristes. Les ébénistes étaient en général des indépendants travaillant à domicile. Ils n’étaient pas payés à l’heure mais à la pièce selon accord avec leur patron. Chez eux, ils avaient un petit coin de travail, souvent à l’arrière de la cuisine, avec une grande fenêtre, un établi muni d’outils de serrage nécessaires et très certainement une grande pierre ronde d’aiguisement. Leurs outils, plusieurs dizaines de ciseaux à bois de tous calibres, étaient leur bien personnel le plus précieux. Ils consacraient une demie journée par semaine à les aiguiser pour un tranchant des plus précis. La gente féminine était également embauchée pour manier la pierre d’aiguisement à sa juste vitesse. Ensuite venait le travail à la pierre ponce et le polissage sur une courroie de cuir enduite de la pâte à polir adéquate.
Avec un ciseau hyper tranchant l’on peut couper le bois de telle façon que celui-ci brille sans qu’il y ait nécessité de le poncer par la suite.
Une formation académique était nécessaire pour compléter les compétences techniques. Chaque ornement, chaque pli de vêtement, chaque rayonnement d’une statue possède sa propre figure de style. Le regard intériorisé d’une figure romane ou gothique est tout autre chose que celui d’une statue baroque ou rococo. Toutes ces notions doivent être parfaitement connues et maîtrisées à fond en vue du résultat escompté. C’est également vrai dans l’exécution des ornementations, des florales et des animales. Il suffit de penser aux ornementations grecques comparativement aux parures de l’Empire, de l’Art Déco ou d’Art Nouveau.
Pour ces personnes d’une telle connaissance et d’une telle compétence il y avait grand respect et abondance de travail.
Mais pour ceux qui travaillaient dans l’industrie du meuble le travail n’était pas toujours aussi abondant. La plupart des artistes-créateurs commençaient à travailler comme indépendants. De ces milieux sont issus de grands sculpteurs comme Karel Aubrouck, Ernest Wijnants, Lode Eyckermans et Rik Wouters. Pour les autres existaient d’autres solutions et chacun d’eux pouvait emporter une pièce à travailler à domicile, afin de ne pas être désœuvré lors des périodes moins chargées. Telles sont les sculptures que nous pouvons vous présenter ici.
2. Les commanditaires.
Les patrons-ébénistes allaient à la recherche d’exemples adaptés pouvant être emportés à domicile comme modèles de pièce de travail. Des Musées mettaient ainsi à disposition des modèles en plâtre pour l’enseignement mais également pour des ateliers d’art. D’anciennes gravures pouvaient être utilisées dans le même but ainsi que des photos ayant une bonne définition d’image. L’initiative de ces patrons-ébénistes était entr’ autre, de découvrir de beaux modèles et des matériaux les mieux adaptés, investissement financier non négligeable, mais une réelle nécessité pour la réalisation de ces petites œuvres d’art.
3. Les sujets.
Chaque œuvre d’art a son histoire. On peut la considérer sous l’angle artistique, historique ou personnel. Comme tout cela est flexible, nous allons regarder chaque œuvre en particulier dans un document annexe qui en donnera plus de précisions.
4. Le matériau.
Chaque sorte de bois possède sa propre personnalité. Cela est vrai autant au point de vue matériau qu’aux points de vue technique, esthétique et historique. Tout bois n’est pas fait pour être sculpté, mais tout bois ne convient pas non plus pour n’importe quel style ou expression de l’œuvre. Cela débute par l’épaisseur de la poutre. Le duramen (cœur du bois) et l’aubier sont à éviter impérativement. Seul le gros bois est indiqué. Commence alors le temps du séchage. Le temps naturel de séchage pour un morceau de bois est de 1 cm l’an par côté ; autrement dit, 10 cm d’épaisseur requièrent 5 ans de séchage. Un bois non séché que l’on travaille va toujours éclater et sera impossible à réparer.
Bois de tilleul : fréquemment utilisé dans le passé et très apprécié pour sa douceur et sa densité. Se laisse bien travailler mais demande une finition colorée.
Bois de cerisier : merisier français (cerisier du bois), bois d’acquisition difficile mais qui se prête bien au travail.
Bois de noyer : indigène ou de provenance française, se prête bien au travail mais très rare, souvent à colorer.
Bois de noyer du Brésil : très solide mais désormais d’importation défendue.
Bois de chêne : hongrois ou français, seulement utilisable quand les pores sont très fines mais reste cependant difficile à travailler.
Bois de sycomore ou érable : très adapté pour hauts reliefs mais très sensible aux vers du bois.
Conclusion.
Les œuvres ici présentées sont le résultat d’un travail d’une grande compétence professionnelle, d’une grande connaissance des matériaux et des styles, d’une initiative et surtout d’un total et considérable engagement humain. La reconnaissance que nous devons à ceux qui ont réalisé ces œuvres avec cœur et âme, nous ne pouvons l’exprimer qu’en valorisant, admirant et aimant tout ce qu’ils nous ont laissé.
Rik Bosteels,
Sint-Niklaas, 19 juillet 2019.