« Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse … » (Lc 2, 22). La célébration de cette fête de la Présentation du Seigneur selon la stricte chronologie biblique, quarante jours après la naissance de tout enfant mâle, vient en quelque sorte interrompre le déroulement régulier de l’année liturgique, ou du moins y marquer une pause. Alors que nous avons déjà vu l’homme adulte Jésus entamer sa mission et annoncer la bonne nouvelle du Royaume, cette fête nous ramène, pour un instant tout au moins, aux joies de la Sainte Enfance. C’est qu’à l’exemple de la Vierge Marie (Lc 2, 19. 51), l’Église garde toutes ces choses en son cœur, les médite et nous invite à faire de même. C’est donc avec joie que nous retrouvons comme en filigrane, dans les propos de Syméon, ‒ « lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël » (Lc 2, 32), ‒ l’adoration des bergers et des mages, le renouvellement de l’Alliance et l’universalisme du salut annoncés par le prophète Isaïe. Contemplant les merveilles du passé, la liturgie, à la suite des Saintes Écritures, porte un regard prophétique sur l’avenir, dans cet aujourd’hui qui nous rend contemporains du mystère célébré. Ce n’est pas pour rien que le bienheureux Columba Marmion, aussi liturgique que mystique, voyait en cet épisode de la vie de Jésus « l’offertoire du sacrifice qui serait offert au Calvaire ». C’est qu’en plus des deux tourterelles prescrites par la Loi pour la purification, c’est l’Agneau véritable, « celui qui enlève le péché du monde » (Jn 1, 29) qui est aujourd’hui présenté au Seigneur.
« Quand fut accompli le temps prescrit par la loi de Moïse … » On ne saurait trop souligner l’observance de la Loi qui est ici mentionnée à plusieurs reprises. C’est bien qu’une fois venue la plénitude des temps, « Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer l’adoption filiale », comme l’écrit saint Paul aux Galates (4, 4-5). Et l’auteur de la lettre aux Hébreux précise que le Fils de Dieu devait « se rendre en tout semblable à ses frères, pour devenir un grand prêtre miséricordieux » (He 2, 17). Voilà qui éclaire peut-être d’un jour nouveau le sacerdoce chrétien puisqu’il ne s’agit plus tant d’être mis à part que d’être semblable à ses frères en conformité au Christ, dans le service plus que dans l’exercice du pouvoir. Remarquons aussi que dans cet épisode de la Présentation au Temple où les prêtres avaient un rôle à jouer, pas un d’entre eux n’est mentionné. C’est Syméon, qui n’est pas prêtre quoi qu’en ait dit la tradition ultérieure, c’est Syméon, « homme juste et pieux » qui, poussé par l’Esprit Saint, vient au-devant de l’enfant Jésus, bientôt rejoint par la prophétesse Anne. Mais n’est-ce pas tout le peuple de Dieu qui est une « royauté de prêtres » ? Ne lisons-nous pas dans l’Apocalypse (1, 5b-6), en écho à d’autres textes de l’Écriture, que le Christ « nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, [qu’] il a fait de nous une Royauté de Prêtres, pour son Dieu et Père » ? Se faisant semblable à nous afin d’être en mesure d’exercer le sacerdoce suprême de la miséricorde, ne vient-il pas consacrer le sacerdoce commun de l’ensemble du peuple de Dieu ? C’est à nous tous, au nom de ce Jésus, salut de Dieu pour tous les hommes, qu’il est demandé d’être proches les uns des autres, d’être miséricordieux les uns envers les autres, et « de porter secours à ceux qui subissent une épreuve » (He 2, 18). Ne manquons pas notre mission dans l’Église et dans le monde.
Les rites accomplis, les parents et l’enfant retournèrent chez eux à Nazareth. Et l’évangéliste de conclure : « L’enfant, …, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui » (Lc 2, 52). C’est de la sorte qu’il nous faut nous aussi grandir …