« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » !
Cette année, le dimanche des Rameaux tombe à la même date que la fête de l’Annonciation qui est toujours célébrée le 25 mars. Que cela ne nous trouble pas ! Le mystère est un, n’hésitons pas à le contempler dans sa totalité. Il est d’abord venu dans le monde, celui qui entre aujourd’hui à Jérusalem. Et son entrée à Jérusalem comme sa venue dans le monde procède d’un même élan : « Me voici, je suis venu pour faire ta volonté » (He 10, 9). Telles sont les paroles que le Fils adresse au Père « en entrant dans le monde », comme nous le rapporte l’épître aux Hébreux (He 10. 5).
Les acclamations de la foule en liesse ‒ « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le Règne qui vient, celui de David, notre père. Hosanna au plus haut des cieux ! » (Mc 11, 9 - 10) ‒ répondent comme en écho aux paroles de l’ange Gabriel annonçant la naissance d’un fils à la Vierge Marie : « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » (Lc 1, 32 - 33)
Mais avant de lui donner le trône de David, Dieu lui a donné un corps. C’est de nouveau le Fils qui parle : « Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps. » (He 10, 5). C’est sa naissance dans ce corps, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge Marie, que nous avons fêté à Noël. C’est dans ce corps qu’il a été reconnu par le vieillard Syméon comme le salut de Dieu, lumière pour éclairer les nations et gloire d’Israël (cfr Lc 2, 30-31); c’est dans ce corps qu’il a été désigné par Jean le Baptiste comme l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1, 29). C’est dans ce corps qu’il a sillonné les routes de Galilée et de Judée, enseignant en paroles et en actes. C’est dans ce corps qu’il est entré à Jérusalem, qu’il a subi sa passion et qu’il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Écritures, est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu d’où il viendra jugé les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin. « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » !
C’est aussi dans ce corps qu’il ne cesse de venir à nous, de se livrer à nous sous les espèces du pain et du vin, pour faire de nous les membres de son corps, ce corps dont il est la tête, et nous conduire tous ensemble à son Père qui est aussi notre Père. Comme le dit Henri de Lubac, « Jésus n’est pas venu faire “œuvre d’incarnation”, mais le Verbe s’est incarné pour faire “œuvre de rédemption” ».
C’est dans ce corps que la liturgie nous donne de le voir aujourd’hui entrer à Jérusalem et s’avancer librement vers sa passion, car sa vie nul ne la lui prend, il la donne de lui-même (cfr Jn 10, 18). C’est dans ce corps que nous le verrons bientôt, lui, Jésus le Christ, celui qui a reçu l’onction, comparaître au tribunal de Pilate et confesser : « C’est pour rendre témoignage à la vérité que je suis né et que je suis venu dans le monde. » (Jn 18, 37) La vérité, c’est que son royaume n’est pas de ce monde. Au prophète Samuel, venu à Bethléem pour oindre David comme roi, Dieu fit savoir « que ses vues ne sont pas comme les vues des hommes, car l’homme regarde à l’apparence, mais le Seigneur regarde au cœur » (1 S 16, 7). « Bienheureux les pauvres de cœur, le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5,3). Loin de toute apparence, le royaume dont le Christ Jésus est roi, repose, non sur la justice des hommes s’exprimant dans une parodie de procès devant Pilate comme devant Caïphe, mais sur la justice de Dieu animée de l’esprit des béatitudes. Le voilà, le règne de David qui n’aura pas de fin, et son trône, c’est la croix. C’est du haut de ce trône que Jésus ouvre au larron repenti la porte du royaume et le fait entrer au paradis.
Oui, vraiment, « béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » !