Comme nous venons de l’entendre, le vieillard Syméon attendait la « Consolation d’Israël », autrement dit l’intervention de Dieu en faveur de son peuple. Porteur de l’attente des siècles, il peut dire avec le psalmiste : « tu nourriras mon grand âge, tu viendras me consoler » (Ps 70, 21), et encore : « Que ton amour me soit consolation, selon ta promesse à ton serviteur ! » (Ps 118, 76). Et de fait, à Syméon qui attendait la « Consolation d’Israël », il avait été révélé par l’Esprit Saint « qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ, le Messie du Seigneur » (Lc 2, 26). « L’espérance ne déçoit point, nous dit saint Paul, parce que l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit » (Rm 5, 5).
En Isaïe déjà, on pouvait lire : « mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas, dit le Seigneur qui te console » (Is 54, 10). Notre Dieu est un Dieu qui console : Il console quand Il libère son peuple de l’esclavage d’Égypte, Il console quand Il ramène les déportés de l’exil à Babylone, Il console quand Il écoute le cri des malheureux et va au-devant d’eux. « Consolez, consolez mon peuple, …, parlez au cœur de Jérusalem … », s’écrie-t-il encore par la bouche du prophète Isaïe (Is 40, 1).
Et nous voici au cœur de Jérusalem, dans le Temple, le lieu par excellence de l’Alliance et de la Présence de Dieu. Et c’est là qu’en Jésus, le Dieu de toute consolation, comme l’appelle encore saint Paul (2 Co 1, 3), choisit de rencontrer son peuple en la personne du vieillard Syméon et de la prophétesse Anne. Les temps sont accomplis, les prophéties sont accomplies, déjà le voile du Temple se déchire pour laisser voir le cœur de Dieu. Quand Dieu console, il sauve, et c’est par amour qu’il sauve. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique … pour que le monde soit sauvé par lui », nous dit saint Jean (Jn 3, 16. 17).
La Consolation suppose une proximité, le Dieu qui console est un Dieu qui, de Tout Autre qu’Il est, se fait Tout Proche. Il est celui qui vient, Il est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous ! Il est tellement avec nous que Syméon peut le prendre dans ses bras. La toute-puissance de Dieu se révèle dans la fragilité d’un petit enfant, comme elle se révèlera dans la fragilité du crucifié, comme elle se révèle encore dans la fragilité du pain et du vin, le corps et le sang du Christ qui nous sont donnés.
Le Livre de la Consolation d’Israël, comme il est convenu d’appeler les chapitres 40 à 55 du prophète Isaïe, contient précisément les quatre chants du Serviteur, figure de celui qui doit venir, de celui en qui Dieu se complaît, le Bien-Aimé du Père : Jésus (Is 42, 1-8 ; 49, 1-7 ; 50, 4-11 ; 52, 13-53, 12). « Signe de contradiction » aussi, comme le dit Syméon dans une prophétie où se profile le ministère de Jésus sur la voie des béatitudes : « Heureux les affligés, ‒ ceux qui pleurent, ‒ ils seront consolés » (Mt 5, 5).
Se rendant en tout semblable à ses frères, comme le précise l’épître aux Hébreux (He 2, 17), Jésus est venu nous consoler des épreuves de ce temps et « parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, [il] est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve » (He 2,18). Il n’y a pas de Consolation sans compassion. En Jésus, la compassion de Dieu s’est incarnée. Il est venu nous consoler, combler un vide, ce vide qui se trouve au cœur de tout homme, et nous appeler à la vie, au bonheur qui est le sien et qui toujours se mesure à l’aune des béatitudes, message premier et ultime, et unique critère de l’entrée dans le Royaume de Dieu, ce « Royaume qui nous a été préparé depuis la fondation du monde » (Mt 25, 34).
Syméon attendait la « Consolation d’Israël ». Elle lui fut accordée dans l’enfant Jésus. Ayant vu le Christ, le Messie du Seigneur, comme l’Esprit Saint le lui avait révélé, il a été consolé. Il a vu le salut que Dieu préparait à la face des peuples, lumière pour éclairer les nations, et gloire d’Israël son peuple (cfr Lc 2,30-31). En Jésus, le passage se fait, c’est littéralement la Pâque, et l’espérance d’Israël s’élargit à l’espérance de l’humanité entière. Puissions-nous, nous aussi, en être consolés !