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Pentecôte 2017

Frères et soeurs dans le Seigneur,

Viens, Esprit Saint, Emplis le coeur de tes fidèles ! Allume en eux le feu de ton amour. Cette invocation (jadis) très connue en Occident – c'est le verset de l'Alleluia au rite latin – nous donne en bref tout le sens de la fête de la Pentecôte. 

La Pentecôte c'est le terme des 50 jours du temps pascal. Pour les Juifs, Pentecôte était la fête de la moisson, devenue fête du renouvellement de l'Alliance, avec le Don de la Loi au Sinaï. Nous, chrétiens, nous faisons mémoire de l'effusion de l'Esprit Saint sur le groupe des apôtres réunis au Cénacle avec d'autres disciples et Marie, la Mère du Seigneur. Selon la promesse de Jésus, entendue lors de l'Ascension : vous allez recevoir une puissance, le Saint Esprit, survenant sur vous ; vous serez baptisés dans l'Esprit Saint (Ac 1, 8.5). C'est un baptême dans le feu de l'amour de Dieu. Ce feu, d'abord il nous purifie de toute souillure du péché et puis il nous transforme en feu. Alors notre coeur sera brûlant au-dedans de nous et nous communiquerons ce feu divin autour de nous.

Jésus lui-même, dans son entretien avec Nicodème (cf. Jn 3, 8) a comparé l'action de l'Esprit Saint dans l'homme, avec le souffle du vent. Et le psaume 104 (103) nous fait prier : Tu envoies ton souffle, ils sont créés, Tu renouvelles la face de la terre. L'Esprit Saint est Esprit Créateur. C'est l'Esprit que le Christ Ressuscité nous donne pour devenir des hommes nouveaux, nés de l'eau et de l'Esprit, vivant de la foi de notre baptême et capables de confesser cette foi par la prière, par le témoignage de Jésus – l'esprit de prophétie (cf. Ap 19, 10b) – et par tout acte inspiré par l'amour.

Le mystère de la Pentecôte est si riche, la manifestation de l'Esprit Saint « en vue du bien » si diversifiée, si multiple, que les langues de tous les peuples deviennent des organes de son expression. Et qu'est-ce que l'Esprit dit aux Eglises, quelles sont les merveilles de Dieu qu'Il révèle aujourd'hui encore ? Je voudrais en partager quelques unes : l'Esprit est source de prière ; Il est source d'espérance en nous faisant passer de la peur à la confiance et Il crée l'unité.

1    L'Esprit nous fait entrer dans une relation personnelle avec Dieu. Loin d'être une énergie anonyme, l'Esprit Saint nous fait nous écrier Abba, Père. Il nous donne part à la prière de Jésus. Il nous rend capables de dire du fond du coeur et non seulement du bout des lèvres : Jésus est Seigneur à la gloire de Dieu le Père. Aujourd'hui, l'Eglise retourne aux sources du salut : la présence de l'Esprit de Dieu dans la création et dans l'être humain libéré par le Christ. Des fleuves d'eau vive coulent du coeur de Jésus et du coeur des croyants qui sont unis à Lui. C'est l'Esprit qui prie en nous « en des gémissements ineffables » (Rm 8, 26). Inutile de dire que nous ne savons pas prier. Il suffit de prendre le temps, de faire silence et de s'unir à cette prière de l'Esprit. C'est dans le sanctuaire de notre conscience que nous pouvons entendre sa voix, douce et insistante à la fois. Il est – comme dit la séquence latine – l'hôte très doux de nos âmes, adoucissante fraîcheur dans nos existences souvent pleines de fièvre. «Au fond de notre coeur Il dit le 'oui' de Dieu à notre existence » (Fr. Aloïs de Taizé). Nous pouvons nous lancer sous sa conduite sur la route de la vie. Il y a donc en nous une source toujours accessible : l'amour de Dieu répandu en nos coeurs par l'Esprit Saint (cf. Rm 5, 5). Mais elle est cachée, cette source. Il faut creuser bien profond pour l'atteindre. 

Pour revenir à l'autre image, celle du feu : le feu est là, parfois tellement couvert sous les cendres, qu'on croit que tout est éteint et soudain une flamme rejaillit. C'est la vive flamme d'amour, dont parle le mystique saint Jean de la Croix. Que de petites pentecôtes quotidiennes nous pourrions vivre si l'on invoquait plus souvent consciemment l'Esprit Saint ! Il nous fait passer de l'extérieur à l'intérieur et de l'intérieur à l'extérieur. De la Loi écrite sur les tables de pierre, à la Loi intérieure, écrite sur les coeurs (cf. 2 Co 3, 3). La lettre tue, mais l'Esprit vivifie (cf. 2 Co 3, 6). Et du coeur de l'homme le courant va de nouveau vers l'extérieur : toutes les dimensions de notre personnalité sont appelées/convoquées à devenir des manifestations de l'Esprit. La vie spirituelle – vie selon l'Esprit – doit prendre corps, cela vaut pour la personne et pour la communauté chrétienne. Dans le christianisme l'intériorité porte la mission, engendre la mission. Le témoignage pour le Christ se ressource dans la Chambre Haute du Cénacle. Chaque fois que nous participons à la liturgie de l'Eglise, nous sommes édifiés en temple saint dans l'Esprit (cf. Ep 2, 21-22). 

2    Autre merveille de l'Esprit : Il opère le passage de la peur à la confiance, confiance qui est un aspect de l'espérance de la gloire. On voit la transformation chez les premiers disciples, depuis leur fuite pendant la Passion et puis leur enfermement « par peur des Juifs ». Suite aux rencontres avec le Ressuscité, leur enfermement s'est d'abord changé en retraite, en supplication, en attente. Les 50 jours nous indiquent ainsi le rôle du temps, de l'initiation dans le mystère du Christ Ressuscité, pour nous vider de nous-mêmes et de nos attentes trop superficielles. Spontanément, pour l'homme naturel, Dieu devrait intervenir tout de suite selon notre commande. Nous avons a ré-apprendre le sens de la supplication ardente, dans un sentiment de vraie pauvreté. 

Une forme de peur est très actuelle : c'est la peur de témoigner de notre appartenance au Christ, la peur d'être persécuté. Puis, plus généralement, il faut avouer qu'il y a de quoi avoir peur, dans le climat actuel de violence, d'attentats terroristes etc. Mais ne devons-nous pas avoir le courage de traverser la peur et puis, comme les premiers disciples (de) la laisser transformer en confiance et en audace, car le Christ est vainqueur de la mort ? Il faut aller à la racine de la violence et l'on y trouve la peur de l'autre. Si nous voulons sortir du cercle vicieux de la peur et de la violence, nous devons demander à l'Esprit Saint d'opérer en nous de ne plus avoir peur de la mort, car par sa mort rédemptrice Jésus nous délivre de cette servitude (cf. Hé 2, 14-15). Les martyrs n'étaient pas, ne sont pas, des héros, mais des êtres faibles, qui, dans leur faiblesse ont fait appel à la force de l'Esprit Saint dans la foi-espérance que la vie et l'amour sont plus forts que la haine et la mort.

3    Enfin, l'Esprit nous fait passer de la division à l'unité, de la confusion babylonienne des langues à l'harmonie d'une diversité réconciliée. L'Eglise-Mère de Jérusalem qui commence sa vie publique en ce jour de la Pentecôte, la communauté qui ose parler au monde, reçoit la capacité d'atteindre les différentes langues et cultures qui contribueront à la diffusion de la Bonne Nouvelle. Ce processus n'est pas terminé. Nous y sommes impliqués. « L'Esprit Saint...se communique à nous pour que, par nous, il rejoigne tous les hommes. Cette communication de l'amour de Dieu, cette révélation du projet de bonheur de Dieu pour les hommes c'est ce qu'on appelle l'évangélisation » (Mgr. Alain Planet, évêque de Carcassonne, 2 octobre 2016). Aux Corinthiens saint Paul écrit : A chacun est donnée la manifestation de l'Esprit en vue du bien commun (1 Co 12, 7). Nous formons un seul corps : celui du Christ dont nous sommes les membres. La réalité c'est ce corps du Christ. L'unité, c'est ce corps qui se construit dans l'amour. Appliquez-vous à conserver l'unité de l'Esprit par ce lien qu'est la paix (Ep 4, 3). On pourrait multiplier les citations. L'harmonie ou la symphonie pentecostale est toujours à recevoir et à mettre en oeuvre. Lorsque nous ne nous comprenons plus, lorsque chaque groupe n'écoute que son propre discours, il est temps pour tous de se taire et d'écouter en silence ce que l'Esprit dit en méditant les Ecritures en Eglise. Lorsque tous cherchent la sagesse d'en haut, alors on va comprendre ce que l'autre veut dire, on va construire ensemble, on avancera dans notre pélerinage de la foi vers la Jérusalem d'en haut.  

Voilà, frères et soeurs, quelques approches de l'effusion de l'Esprit en cette solennité. Osons nous abandonner à son souffle vivifiant, ayons soif de l'eau vive qui est donnée gratuitement. Soyons solidaires avec les personnes en détresse. Prions avec le psalmiste : Que ton souffle de bonté me conduise (Ps 143 (142), 10) ! Amen.*

            P. Jean Geysens osb

            Chevetogne, paroisse, le 3 juin 2017

            au monastère, le dimanche 4 juin

            aux grottes de Conjoux, le 5 juin

* «Kom, Heilige Geest, vervul de harten van uw gelovigen en ontsteek in hen het vuur van uw liefde ». Dit Alleluia-vers geeft de zin aan van dit Pinksterfeest. De Geest doet ons een persoonlijke relatie onderhouden met God onze Vader. Door Hem, de Geest, zeggen we met innerlijke overtuiging « Jezus is de Heer ». Hij bidt in ons met onuitsprekelijke verzuchtingen. De Geest doet ons overgaan van vreesachtigheid naar vertrouwen. Hij maakt één wat is verdeeld, in een harmonie van verschillende gaven. We kunnen altijd bidden : « Uw Geest die goedertieren is geleide mij op effen paden » (Ps 143 (142), 10).